Tancrède à l’Opéra de Rouen nous fait découvrir un tout jeune Rossini, déjà compositeur de l’amour et de ses aventures.

Au début du XIXe siècle, sous l’influence du Gothic Revival et des romans de Walter Scott, l’histoire d’un chevalier banni et de sa bien-aimée promise à un autre, dans la Sicile de l’an 1005, ne pouvait que séduire un jeune compositeur. Dans Vie de Rossini, Stendhal consacre quelques pages à ce Tancrède, un des premiers opera seria d’un Gioacchino de 21 ans lors de sa création à la Fenice, en 1813. Avec cette œuvre, Rossini parvient à un « juste milieu de richesses et de luxe qui pare la beauté sans la cacher, sans lui nuire, sans la surcharger de vains ornements », remarque l’auteur du Rouge et le noir. Et c’est précisément ce vers quoi semble tendre Pierre-Emmanuel Rousseau dans sa mise en scène présentée pour la première fois en 2022 au Théâtre de Bienne Soleure, en co-production avec l’Opéra de Rouen. Il avoue avoir cherché une esthétique « sombre où le noir domine, avec quelques incursions dorées, et l’idée d’un Moyen-Âge fantasmé, inspiré par le cinéma ». Ce qui semble être au cœur de cette mise en scène est une dissonance émotionnelle : la manière quasiment opposée dont les protagonistes vivent une histoire d’amour commune. Si la distribution initiale a été entièrement renouvelée, le duo Emmanuel Rousseau et Antonello Allemandi, chef italien rompu à Rossini, n’en est pas à ses débuts. À l’Opéra de Rouen, les deux artistes ont déjà collaboré sur un Barbier de Séville en 2019. Et ils ont fait le choix de se réapproprier ensemble cette mise en scène, à force de réflexion avec les musiciens : l’Orchestre et le chœur de l’Opéra de Rouen Normandie, le chœur accentus et les chanteurs. Celle qui a fait ses débuts à l’Opéra de Paris en 2017 dans la Cenerentola, la mezzo-soprano romaine Teresa Iervolino, devrait endosser le rôle travesti de Tancrède avec aisance, l’ayant déjà interprété. Du sang neuf pour cette œuvre qui tour à tour le chauffe, le glace et le fait couler.

Tancrède de Gioacchino Rossini, direction musicale Antonello Allemandi, mise en scène, Pierre-Emmanuel Rousseau, Opéra de Rouen, les 12, 14 et 16 mars.