Au Drawing Lab, François Réau se fait le poète du temps et de l’espace, avec une infinie délicatesse.

Chose éternelle, insondable, terrifiante, merveilleuse, le temps est une énigme dont les artistes ont espéré et espèrent toujours capter la ligne et les contours. Quête vaine et fabuleuse s’il est en. François Réau le sait. Au fil de ses projets, il ne cesse d’explorer un espace forcément infini – là où la cosa mentale déborde des frontières physiques de l’exposition pour devenir poésie et spiritualité, là où la pratique uniquement dessinée ne suffit plus. Celle-ci alors s’étend, comme l’univers se pense en expansion. À la mine de plomb et au crayon graphite sur papier, qui se répandent en sublimes abstractions argentées et en nuages tourmentés, s’ajoutent des installations constituées de végétaux et de matériaux périssables, parfois soulignées par des lignes de néons et des orbes de miroirs. Car, à travers la lumière, les droites et les points tracés par les branchages, les cordes ou les fils se trouvent diffractés, projetant dans l’espace une nouvelle dimension, de l’ordre d’une géométrie cosmique. Il en ressort des paysages fragiles et aériens, doués d’une sophistication naturelle, où l’insignifiant, frêle brindille ou modeste bout de bois, se pare d’une symbolique universelle, puisque dessinant les croquis rêvés d’un artiste à la fois philosophe et mathématicien, muni de son compas et de ses fils à plomb pour mesurer ce que les Anciens observaient à l’aide de leurs machines d’Anticythère et de leurs gnomons. « Je tente de parler des mouvements du temps et de l’espace. J’ai pris ici comme point de départ la référence au cosmos et aux constellations qui sont de facto les premiers dessins dans l’espace, en m’intéressant à Circinus, la constellation du compas, constituée seulement de trois points et de deux traits » explique-t-il. On suit cette courbe astronomique dans ses dérivés graphiques en écho à un poème d’Antoine Léonard Thomas, dont le titre de l’exposition, Du Temps sois la mesure, est une citation. 

Minuscules et vastes comme le monde, les œuvres de François Réau créent ainsi des paysages minimalistes qui ont le don de porter le poids de l’univers, avec légèreté. Dans une esthétique sobre qui prône l’emploi de matériaux pauvres, l’artiste étant soucieux de faire un art proche de la nature, à contre-courant du consumérisme, à l’image des ressourçantes sculptures de Giuseppe Penone. Le voyage poétique est écologique. Mais cette économie des matériaux permet aussi de laisser place à une certaine esthétique du vide qui ouvre les chemins de l’imagination, comme l’enfant regardant, fasciné, l’obscur du ciel au milieu des étoiles. « J’essaye de créer un espace symbolique où il n’y a plus de dichotomie entre figuration et abstraction, où tout fonctionne comme un grand ensemble de manière harmonieuse et concomitante ». Tout est donc histoire de mesure, chaque geste de l’artiste semblant correspondre à une inclination, un angle, un mouvement précis. Chef d’orchestre de ce grand environnement dessiné, François Réau suspend avec grâce le vol du temps.

François Réau, Du Temps sois la mesure, du 14 octobre au 5 janvier 2023, Drawing Lab, drawinglabparis.com