Il sera un des invités les plus stimulants des Rencontres Musicales d’Evian, Jean Rondeau, claveciniste majeur et interprète de Bach. Il présentera un récital et une création autour de l’œuvre qui l’obsède depuis des années, Les Variations Goldberg. 

Nous pourrons découvrir à la Grange au lac votre création autour des Variations Goldberg avec le percussionniste Tancrède D. Kummer le 27 juin. Il s’agit de votre première création, comment l’avez-vous élaborée ? 

J’ai commencé à travailler les Variations Goldberg il y a six ans. Je les avais déjà jouées enfant, mais je n’avais jamais fait un travail en profondeur. J’ai donc entamé un processus de travail sur le long terme dans lequel je suis toujours. Dans ce genre de travail, il faut multiplier les perspectives afin de mieux appréhender l’œuvre. J’ai eu un jour une idée : écrire quelques variations à partir des contraintes que s’étaient fixées Bach, afin de m’immerger dans les difficultés du compositeur. Un exemple, les canons qu’a écrit Bach, engendre un nombre important de difficultés. À l’époque, ce n’était qu’une méthode de travail, pour jouer au mieux les Variations Goldberg. Il n’y avait pas d’idée tournée vers un public. D’ailleurs, ce que j’aimais dans les Goldberg, c’était que Bach les avaient publiées sous la nomenclature « übung », exercices. Mais peu à peu, ma démarche initiale a dérivé. Et puis petit à petit, Tancrède a rejoint cette aventure, et on a songé à cette forme puissante, et à ce qu’on pouvait en faire. Ces 30 variations qui ont un dessin précis sont devenues des points de départ, permettant un nouveau projet d’écriture qui implique toutes les formes d’écritures que l’on appréhende, et autant l’Interprétation, que l’improvisation. Le but est qu’on ne sache jamais ce qui se passe. L’idée globale, c’est de faire un projet qui serait un lieu, avec plusieurs pièces, avec différentes œuvres, qu’on regarde, ou qu’on regarde moins, certaines qui passent dans notre inconscient sans qu’on les ait observées….Trente œuvres qui se répartiront à travers les pièces. Au public de chercher une harmonie, une cohérence, parmi les tableaux. Il y a certaines pièces que j’ai écrites il y a six ans, d’autres tout récemment. J’aime l’idée que ces pièces écrites il y a longtemps ne me sont plus familières. C’est je crois fidèle à Bach qui écrivait des pièces à la manière des peintres de la Renaissance, sans se concentrer sur la notion d’auteur propre. 

Quelle relation musicale entretenez-vous dans cette création avec Tancrède D. Kummer ? 

Ce n’est pas une pièce écrite pour un piano et une batterie, c’est une pièce qui existe parce que nous jouons ensemble. Il y a des pièces que l’on a coécrites, des modes de jeux que l’on crée ensemble…IL n’y a que nous qui pouvons jouer cette œuvre. Notre relation est inhérente à notre projet. A l’avenir, cette dérive va continuer, se transformer. 

Et comment vous préparez-vous à cette première mondiale à Evian ? 

Le festival prend le parti de programmer quelque chose qui n’était pas encore fait. Nous avons été touchés par cette confiance. La résidence aura lieu dans la salle de la Grange au Lac, ce qui va jouer dans notre création : les gestes de jeux et d’écriture vont aussi être soumis aux conditions acoustiques, nous serons vigilants. 

Votre récital des Variations Goldberg aura lieu le même jour, est-ce que cette interprétation demeure un enjeu pour vous, d’un point de vue musical et physique ? 

Pour moi, c’est assez intense d’interpréter les deux dans la même journée. Les Variations Goldberg, c’est une œuvre qui dure 1h45, on y est immergé, sans pause, une grande boucle et un vrai défi physique, oui, sans aucun doute. 

Rencontres musicales d’Evian, du 25 juin au 2 juillet. Plus d’infos sur www.lagrangeaulac.com