À la tête depuis 2020 de l’Orchestre d’Avignon-Provence, la cheffe dirige Don Pasquale de Gaetano Donizetti à l’Opéra de Dijon. Occasion de revenir avec Debora Waldman, à son approche de la musique.

Vous dirigez pour la première fois Don Pasquale de Donizetti. Comment abordez-vous cet opera buffa considéré comme un sommet de l’œuvre de ce compositeur ?

Quand j’aborde une œuvre, je commence toujours par la situer dans une grande fresque de l’histoire de la musique pour la mettre en perspective par rapport à ce qui s’est fait avant et ce qui s’est fait après. Don Pasquale, c’est l’apothéose de l’opera buffa. On dit même que ça en est le chant du cygne. Donc c’est le chef-d’œuvre d’un style qui atteint avec elle son sommet dans l’histoire de la musique. Après quoi je m’intéresse plus précisément à l’écriture en me demandant comment je vais donner vie à cette œuvre. Pour diriger une composition, je commence toujours par me l’approprier. Je la joue au piano. Et je chante. C’est une façon de l’assimiler. Parce que j’ai besoin d’avoir dans la tête une image sonore de l’œuvre. Qu’elle vive en moi. Après il s’agit d’amener les musiciens de l’orchestre à adhérer à cette vision pour qu’on aille tous dans le même sens. 

Est-ce que le livret joue un rôle dans cette assimilation préalable ?

S’agissant d’un opéra, c’est vrai qu’on est obligé de tenir du compte du livret. Mais l’écriture de Donizetti est déjà très théâtrale. Je me concentre sur la musique et laisse la partie dramaturgique à la metteuse en scène Amélie Niermeyer. Moi je suis au service du compositeur. Ce qui est remarquable avec Don Pasquale, c’est que l’architecture de l’œuvre est très claire. Elle est conçue d’un trait ; même les chœurs n’arrivent qu’à la fin. Elle a la forme d’un long crescendo. Cela représente un pari difficile pour l’orchestre parce qu’il faut exprimer tous les climats et entretenir tout du long ce feu intérieur. C’est une œuvre très organique où le drame et la musique ne font qu’un. 

Vous avez été assistante pendant cinq ans de Kurt Masur. Qu’avez-vous appris de cette expérience ?

Cela a été pour moi une grande leçon de vie. À l’époque j’avais peu d’engagements et donc j’étais très disponible. J’assistais à toutes les répétitions. Les siennes, mais aussi celles de ses invités, Riccardo Muti, Seiji Osawa, Bernard Haitink ou encore Colin Davis avec qui j’ai travaillé. Je me suis formée à travers ces expériences.

On dit que vous jouez tous les jours un choral de Bach au piano. C’est vrai ?

J’ai commencé à faire ça il y a sept ans. Une amie pianiste m’avait montré le travail qu’elle faisait, je trouvais ça passionnant. Je m’y suis mise petit à petit. Au départ, c’était extraordinairement dur, j’avançais très lentement. Mais maintenant, j’ai acquis un certain bagage. Pour moi, ces moments sont une façon de me ressourcer. Je viens de plusieurs cultures. Je suis née au Brésil, j’ai vécu en Israël et en Argentine avant de m’installer en France. Le fait de jouer un choral chaque jour me permet de me recentrer. C’est comme une prière. Pour des religieux, ça serait un psaume ; pour moi, c’est un choral de Bach. Souvent, avant un concert, s’il y a un piano dans ma loge, je joue et cela a un effet libérateur. Après je me dis : c’est bon, maintenant je suis prête à exprimer ce qu’il y a en moi.

Don Pasquale de Donizetti, direction musicale Deborah Waldman, mise en scène Amélie Niermeyer. Avec Laurent Naouri, André Morsch, Nico Darmanin, Melody Louledjian. Orchestre Dijon Bourgogne. Opéra de Dijon du 10 au 15 mai