Qui a dit que western et théâtre ne font pas bon ménage ? Guillaume Bailliart et le Groupe Fantômas fusionnent les genres avec Faillir être flingué d’après Céline Minard. Une épopée chamaniste et politique. 

Qu’est-ce-qui vous a donné envie d’adapter ce roman ? 
En 2017, j’avais adapté Merlin de Tankrede Dorst. C’était une épopée de sept heures, en quatre épisodes et c’était la première fois que je m’attaquais à un grand récit. J’ai réalisé combien créer un imaginaire commun autour d’un récit n’a rien d’évident. C’est difficile et passionnant de raconter quelque chose et de le partager ! (Rires) J’ai donc cherché des textes allant dans cette direction et j’ai repensé Faillir être flingué que j’avais lu pour mon plaisir. On y trouve tous les ingrédients du western : les grands paysages, les cow-boys, les Indiens, etc. Tout en ayant l’impression de lire le premier western de l’histoire !   

Comment faire vivre au théâtre les grands espaces, les roulottes et les cavalcades si cinématographiques du Far West au théâtre ? 
Effectivement c’est un genre plutôt associé au cinéma, passant par les images. Ici, ce n’est pas le cas. Notre cible, c’est l’imaginaire du spectateur. La scénographie est minimaliste. Le sol et le mur sont blancs, comme une page blanche ou un écran de cinéma vide pour permettre aux spectateurs et aux comédiens de projeter leur imaginaire. Il est important aussi de ne pas perdre le souffle épique du roman, qu’on peut lire comme un texte sacré tel que la Bible par exemple ; à la virgule près ou en le commentant. Les acteurs racontent mais n’incarnent pas. 

En quoi cette langue est-elle théâtrale ? 
Elle est plutôt poétique. Céline Minard écoute beaucoup ce qu’elle écrit. Cette langue semble écrite pour être proférée sur scène. On s’est aussi beaucoup appuyé sur la structure du roman. Cela commence sur la route, dans la tête de personnages qui ne savent pas où ils vont, qui sont dans leurs souvenirs, puis on s’aperçoit qu’ils ne sont pas si loin les uns des autres et convergent vers la même ville, puis vers son saloon. Arrivant dans un espace sans institution ils construisent une ville dans un contexte où toutes les expérimentations sont possibles. 

Qu’est-ce-qui est inspirant dans cette épopée ? 
C’est que Céline Minard ne se met pas du tout dans une perspective sécuritaire ! Traditionnellement le western est conditionné par des personnages qui doivent toujours se défendre, se venger ou convoyer quelque chose ou quelqu’un dans un univers hostile. Ce n’est pas son approche. Ses personnages sont liés par l’invention sociale. Chacun se découvre, s’invente. Ce sont des rencontres incroyables entre des êtres très différents. C’est l’autre, le territoire inconnu. Comme un souffle de joie. On a l’impression que tout peut leur arriver, ils s’en sortiront. Ils ont de l’audace et du courage face à la peur. Ce livre raconte ainsi l’expérience politique à un moment où tout est possible.

Faillir être flingué, de Céline Minard, mise en scène Guillaume Bailliart et le Groupe Fantômas, Théâtre Nouvelle Génération, Lyon, du 5 au 8 avril.