marguerite et JulienValérie Donzelli, Marguerite et Julien, en compétition

 

C’était la question de la soirée (ça, et rentrer à la soirée X avec l’invitation de Y accompagné de Z, mais c’est une autre histoire), Valérie Donzelli allait-elle céder à son penchant pour la sucraillerie pop-toc, la branchitude chatoyante d’un cinéma Haribo (pétaradant de couleurs acidulées au début, écoeurant et régressif sur la fin) taillé sur mesure pour câliner le mal-être du hipster moyen, ou cesser enfin de complaire aux sirènes du temps et des vogues, et s’épanouir là où elle prospère – sur le terreau juvénile, fertile, d’une naïveté cent pour cent bio, immunisée contre la terrible « blague » comme disaient les Goncourt, à l’abri du sel corrosif de l’ironie?

Réponse: Marguerite et Julien, une fois défalqué de deux-trois afféteries de style et de structure (le récit-cadre, en particulier, qui sent son bon élève appliqué qui veut faire du « réflexif », ergo du cinéma intelligent), a l’allant sémillant du roman – au sens le plus XIXe, le plus populaire, quelque part entre Dumas ou, au siècle précédent, les gothiques d’outre-Manche. Pétri de péripéties, blasonné de figures qu’on aime haïr ou aimer, le film retrouve l’impetus ingénu du romanesque qui malgré tous les actes de décès proclamés à l’envi se porte bien, et porte avec une efficacité élégante le film de Valérie Donzelli. La chape des conventions sociales; l’amour fou; le vert paradis des amours enfantines; l’aventure: Marguerite et Julien réactive tout ce matériau, lui taille sur mesure un écrin tissé dans une sensualité luministe et des réminisciences des serials muets, et trousse un joli roman.