Jean-Yves Ruf poursuit son exploration personnelle du corps de l’acteur avec J’ai saigné de Cendrars. Un monologue qu’il interprète et met en scène avec Jean-Christophe Cochard aux Plateaux Sauvages.

C’est la deuxième fois que vous interprétez un monologue après Zoophiled’Antoine Jaccoud, à Lausanne, en 2017. Qu’est-ce-qui vous plaît dans cette démarche ? 
Même si j’ai une formation d’acteur, j’ai joué assez peu. Lorsqu’Émilie Charriot m’a proposé d’interpréter ce texte, qui n’a rien de zoophile contrairement à ce que dit son titre et qui n’était pas vraiment un monologue puisque j’étais avec un âne sur scène (rires), j’étais aussi terrorisé qu’excité ! Cette expérience m’a beaucoup plu, je voulais l’approfondir. Par ailleurs, j’avais mis en scène Jean-Christophe Cochard, dans un solo sur un texte de Péguy, alors il me rend la politesse (rires).  Quand on met en scène un solo, on est dans le processus de l’acteur, on apprend énormément. Le comédien sera seul en scène, cela demande une grande confiance. L’interpréter correspond enfin à une envie de réengager mon corps en tant qu’acteur. 

L’Or est parfois mis en scène, J’ai saigné, jamais. Pour quelles raisons vous emparez-vous de ce texte peu connu ? 
Je l’ai reçu d’un comédien qui m’envoie de temps en temps des livres qui lui ont plu. Je l’ai lu et je l’ai trouvé très fort. C’était le début de l’idée de le jouer en solo.  Quelque chose me touchait profondément, notamment sa résonance contemporaine. Le titre peut paraître trompeur là aussi : J’ai saigné porte beaucoup sur la guérison. Et puis bien que cela soit autobiographique, Cendras y parle peu de lui. L’action se passe dans un hospice où après avoir été touché par un éclat d’obus sur le Front de Champagne, en 1915, Cendrars, amputé de son bras droit se trouve en convalescence trois semaines. Il s’y soigne en soignant les autres, grâce à une infirmière, Madame Adrienne qui lui demande de raconter des histoires à d’autres blessés. C’est aussi un texte sur l’importance des soins psychologiques, en opposition à une certaine médecine mécaniste.  

Pourquoi avoir fait appel à Jean-Christophe Cochard pour co-signer la mise en scène ? 
C’est toujours bien d’avoir un regard. Je n’ai jamais pu imaginer créer et jouer en même temps. Ce n’est pas seulement une question de compétence. Les plaisirs sont aussi très différents lorsque l’on est metteur en scène et comédien ! Jean-Christophe est un artiste très fin qui aime avoir les textes en bouche, les apprendre même lorsqu’il ne s’agit pas de les jouer d’ailleurs, parfois juste pour lui.

Comment envisagez-vous la mise en scène ? 
Je dis le texte tel qu’il a été écrit. On ne l’a pas adapté. Il comporte comme une dramaturgie pleine d’oralité, très belle. Il n’y a ni son, ni vidéo. La lumière accompagne la pensée du texte. Dans un solo le lieu de la mise en pensée importe le plus. On a imaginé un petit hôpital de campagne désaffecté des années après les faits. Comme une chambre claire où se révèlent des souvenirs. Je suis très bien habillé comme pour honorer la mémoire de ceux qui y vécurent. Le personnage revient, c’est une sorte de pèlerinage de la mémoire et de cette renaissance.  

J’ai saigné, mise en scène de Jean-Yves Ruf, texte de Blaise Cendrars, Plateaux Sauvages, du 29 novembre au 11 décembre.

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