Vous aurez reconnu par ce titre le célèbre film de Peckinpah, 1974, où la tête d’Alfredo Garcia est mise à prix pour avoir engrossé une fille de. À lire le génial vrai-faux journal du romancier Simon Liberati (intitulé Liberty comme son double dans le livre), chez Séguier, la vie de Liberati apparaît comme un western. Qui veut la peau de Simon Liberati ? Des histoires d’argent, d’abord. Instructif, le Journal nous apprend les braquages auxquels l’écrivain s’est adonné, cumulant les contrats chez un nombre important d’éditeurs, sans toujours les honorer dans les temps. Résultat des courses : un contrôleur fiscal lui réclamant une certaine somme pour un contrat non honoré, et la nécessité pour lui d’écrire un livre en quinze jours. Ce sera Occident. Liberty dégaine plus vite que son ombre, chapeau (Steson) ! Les femmes, of course. Combien d’histoires qui tournèrent mal pour ce lonesome cow-boy d’écrivain. Cunégonde envoie au Tout-Paris des lettres de dénonciation visant cet ancien amant qui l’a brutalement quittée. Antisémitisme jusqu’à l’apologie du IIIe Reich, divulgation d’adultère, les lettres n’y vont pas de mainmorte. Liberty s’en amuse plutôt. Une Flower, sorte d’égérie de l’écrivain, thaïlandaise sentant la rose, et qui excite à l’excès l’écrivain, par sa cruauté qu’il bénit (« Suite à mon suicide, elle n’est jamais venue me voir à l’hôpital ») et par des phrases de starlettes folles. Une Hallelujah, en hébreu « rendons louange à Dieu », très beau personnage de la fin du Journal, qui permet au nihiliste d’avoir de nouveau la foi, signe d’amour. L’écrivain apparaît même sentimental, on se croirait chez Sirk. L’écrivain se demande in fine si leur histoire se conclura dans « la joie ou dans le sang ». Pour ceux qui suivent de près les épisodes rebondissants de cette série, on sait que le sang ruissellera. Normal : Hallelujah est la très hard Barbara Stanwyck des Quarante tueurs. Tant mieux pour lui : « Je n’aime pas la paix », écrit-il.

L’ossature du Journal tient par une enquête que Liberty mène pour le Vanity fair français, sur deux soeurs mondaines, dénommées Rouhen, qui lui vaudra quelques inimitiés. Sinon, le lecteur suivra non sans félicité les recueillements au style sec de ce Clyde traqué, chez Léotaud (« Vivre avilit » cite-t-il, synthèse du Journal), chez les poètes latins et la magie disséqués d’un trait de plume, chez des mondains de Paris, Jean- Baptiste Huynh, Thadée Klossowski, Paquita Patin, Darrée, Zouari… Rien ne nous sera dissimulé, les films pornos, la surenchère de drogue, le goût de Charles Maurras, mais Baudelaire surtout : « En vieillissant, il gagne en profondeur. »

Une fois ce cocasse Journal refermé, il est difficile de ne pas penser qu’un jour, sera retrouvé le cadavre de ce Liberty, mangé par les vers du côté de Pigalle ou avenue Foch. (ce fan de Manson, de Poe, du gothique appréciera sûrement).

Et la question se posera : Qui est l’homme (ou la femme) qui tua Liberty (Valance) ?