À l’occasion d’une expo chez Perrotin, Jens Fänge nous ouvre la porte sur ses mondes étranges et fascinants. La peinture comme art du mystère…

Le Suédois Jens Fänge (né en 1965) ajointe ses plans avec une logique aussi irrécusable qu’insaisissable, donne à ses figures une présence fuyante et pourtant obsédante. Sans doute parce que sa peinture occupe une place paradoxale, à la fois ouverte sur des abîmes insondables et repliée sur elle-même, sur son histoire, avec ces tableaux dans les tableaux. Jens Fänge ou la peinture comme jeu vertigineux de Janus.

Vos tableaux tiennent autant du collage que de la peinture…

J’ai commencé par faire des huiles sur toile de façon traditionnelle, avec des intérieurs soigneusement peints. Et puis j’ai décidé d’y installer des personnages, mais au lieu de les peindre directement, j’ai utilisé des silhouettes découpées, que je pouvais déplacer sur l’image. Et comme je trouvais la démarche intéressante, j’en ai fait mon matériau. Je me vois volontiers comme un metteur en scène de théâtre, concevant une pièce pour une maison de poupée.

Vous créez des tableaux fictifs à l’intérieur de vos propres tableaux…

C’est une façon de jouer avec mes propres pensées, mes propres émotions. Je me demandais ce qui pouvait être accroché dans ces pièces imaginaires, et ces images dans l’image me permettaient de m’écarter de mes propres préférences. Je pouvais me dissimuler derrière l’idée que ces tableaux avaient été réalisés par quelqu’un d’autre, un artiste inconnu, et donner plus de latitude à ma propre manière de peindre et de m’exprimer.

Le titre de l’exposition, Inner Songes, évoque l’impression souvent onirique qui se dégage de vos toiles… Peut-on aussi évoquer les surréalistes, Magritte ou Chirico ?

Il ne s’agit pas de reconstruire mes rêves dans mon atelier. Ce qui m’intéresse, c’est la structure narrative – ou l’absence de structure narrative – des rêves. Mon intérêt pour le surréalisme est d’abord venu de la pop culture, plus que des œuvres surréalistes à proprement parler : les pochettes de disques, les posters de chambre d’ado, les films, les bandes dessinées, ou encore MAD, le magazine. C’est seulement après coup que je me suis rendu compte que ce matériau avait subi l’influence surréaliste. Il y a quelque chose de curieux avec Chirico : je ne le vois pas comme quelqu’un qui m’inspire, et pourtant moi-même j’aperçois des liens avec mon œuvre… Ce serait bête de dire qu’il n’a pas eu d’importance pour moi. Ce qui m’a toujours fasciné chez lui, c’est qu’après sa peinture « métaphysique », du début du XXe, il est passé à une autre façon de peindre, puis il est revenu à sa peinture du début : j’aime cette façon de rompre avec l’idée d’un développement linéaire, les choses évoluent plutôt de façon circulaire.

Vos espaces plongent le spectateur dans la perplexité, dans l’inconnu…

Ce n’est pas un effet que je cherche délibérément à produire, c’est plutôt une façon de maintenir éveillé mon propre intérêt. Parfois, dans un tableau tout se met en place d’une façon très logique, très nette, et l’image perd de son intérêt à mes yeux. Quelque chose doit m’échapper dans l’image. Je m’intéresse aux mystères qui entourent la peinture…

Exposition Jens Fänge, Inner Songes, Perrotin, du 6 février au 27 mars

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