A l’Opéra Comique, Jérôme Deschamps endosse avec malice et gourmandise le costume du 
Bourgeois gentilhomme. Tout en gardant l’esprit satirique et comique de la pièce, il lui offre une nouvelle vie loufoque et truculente. 

Sur une musique de Lully, les professeurs de musique et de danse, ainsi que leur ribambelle d’élèves, entrent par une porte dérobée. Pas chassés, entrechats, ronds de jambes, ils investissent la scène. Trois petits tours, et puis s’en vont. Ce préambule burlesque souligne la fatuité des personnages, juste ce qu’il faut pour les rendre un brin ridicule, et donne le ton à la farce de Molière, revue par Jérôme Deschamps. 

Comédie-ballet commandée par Louis XIV, Le Bourgeois gentilhomme, prenant comme prétexte de brocarder les mœurs turques, dont le Roi Soleil n’avait que peu goûter l’affront, glisse insidieusement vers la satire. Des bourgeois se rêvant seigneurs aux courtisans fats et imbus de leur supériorité, Molière égratigne ses contemporains de manière à peine voilée. S’appuyant sur cette veine mordante, Jérôme Deschamps ne cherche nullement à révolutionner le genre, mais bien à en affirmer la force caustique. 

Usant de petits artifices, tous plus originaux et drôles les uns que les autres, il émaille sa mise en scène classique autant que loufoque de savoureux effets, de fantaisistes anachronismes. Chaque entrée de Monsieur Jourdain est soulignée par l’Hymne à la joie de Beethoven, musique choisie par Emmanuel Macron, le soir de sa victoire à l’élection présidentielle. Les fureurs de Nicole, la servante effrontée, sont ponctuées par les vapeurs s’échappant d’un fer à repasser. 

Fidèle en tout point à l’esprit de Molière et de Lully, le créateur des Deschiens fusionne facétieusement art dramatique, danse et chant. S’appuyant sur Marc Minkowski à la direction musicale et sur l’expertise des Musiciens du Louvre, il redonne à cette œuvre majeure du répertoire, trop souvent galvaudée, sa finesse et son énergie.

Aux costumes extravagants signés Vanessa Sannino, répond le décor épuré, mais inventif de Xavier Deschamps. Face aux interprétations sobres, les chorégraphies imaginées par Nathalie van Parys tirent sciemment sur le burlesque. Jérôme Deschamps se fonde sur ce jeu de miroirs et de contrastes très marqué, pour extraire l’humanité et la poésie de cette farce baroque en cinq actes. Se glissant aussi dans la peau de Monsieur Jourdain, il signe un spectacle d’un charme fou, un incontournable ce cette rentrée théâtrale, qui a tant besoin d’une farce virtuose. 

Le Bourgeois gentilhomme de Molière. Mise en scène de Jérôme Deschamps. Du 28 septembre au 3 octobre 2020 à l’Opéra Comique.

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