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Qui sont les femmes aujourd’hui ? Quels sont leurs rapports aux hommes ? Sont-elles vraiment des femmes libres depuis 1968, en Occident ? Ou vivent-elles une période de régression, avec retour du statut de la femme au foyer ? Vivent-elles dans un monde encore terriblement machiste, ou dans un monde où peu de combats restent à mener pour qu’il y ait une égalité entre les hommes et les femmes ? La question du gender s’est aussi réinvitée dans le débat ces mois derniers ; la femme est-elle un homme comme les autres ? La femme est-elle avant tout une fabrication de la société ? 

Bref, mille questions circulent sans cesse d’un magazine féminin à l’autre, de sociologue en psychologue, en passant par des témoignages de femmes qui ont beaucoup à dire sur leur vie et sur les femmes en général. Des tendances se dégagent, chaque année ; des tendances vestimentaires le plus souvent, et des tendances de fond qui émergent ici et là et de temps en temps.

Face à ces milliers de mots écrits sur les femmes, ces milliers de questions, ces milliers d’images, ces nouvelles tendances, nous nous sommes attaqués au sujet sous un autre angle : celui de l’art ; et plus précisément la littérature et le cinéma. L’art apporte d’autres réponses, sans conclusion, car conclure est une bêtise, comme dirait Flaubert. À partir des meilleurs livres lus cette année et des meilleurs films visionnés depuis septembre 2013, scrupuleusement, nous avons essayé de comprendre ce qu’est la femme d’aujourd’hui. Dans Réparer les vivants, de Maylis de Kerangal, une femme fuyante ; dans Jimmy P., de Desplechin, une femme entraînant névrose et guérison des hommes ; dans The Immigrant de Gray, une femme étrangère au monde et figure pluriséculaire ; dans La Petite Foule de Christine Angot, une femme fragile, enfantine, etc.

Nous apparaissent ainsi des femmes multiples ; il y a autant dans ces oeuvres de personnages que de femmes ; contradictoires, libérées ou vieux jeux, fragiles ou puissantes, belles ou laides, sexuelles ou pas, se laissant aller à leur plaisir ou non. Ce miroir plein de brisures qui nous permet de les voir, de les sentir, de les comprendre, est plus vrai que n’importe quelle tendance ou prétentieuse statistique ; bref, un rappel de plus que l’idée de tendance, c’est-à-dire l’idée dominante de notre société, n’existe pas. Il n’y a pas de tendance féminine, pas plus hier qu’aujourd’hui. L’art rappelle qu’il y a de l’immémorial dans l’histoire des hommes – j’ai lu cette semaine les magnifiques Lettres de la vieillesse de Pétrarque (à paraître aux Belles lettres) où un jeune poète se plaint au maître de la défaite de la pensée ; et relu aussi le Satyricon de Pétrone, ce chefd’oeuvre dans lequel un des personnages se plaint de la mort de Dieu et d’un capitalisme grandissant et source de déclin. L’art rappelle aussi sans cesse à la société qu’il existe encore des individus, pour paraphraser Artaud. Les femmes, pas moins que les hommes, sont des bizarreries, uniques, irréductibles, qui échappent à toute catégorisation : voilà ce qui se passe, quand, grâce aux cinéastes et aux écrivains notamment, nous prenons la peine de regarder les femmes de près et longuement. Ils nous racontent des histoires, des histoires de femmes parfois. Il nous suffit de les écouter, de les voir, de les lire ; et en tirer deux ou trois idées, comme ça, qui feront leur cheminement dans nos têtes ; et qui peut-être, seront remplacées par d’autres.