editoJe n’aime pas les commémorations, c’est mortifère. Pour notre centième numéro, on ne voulait rien faire de spécial, écoeurés par la passion de la célébration dans la presse culturelle. Mais Transfuge étant ce qu’il est, une revue hiérarchisante au coeur de la culture, faire un point à propos des créateurs de ces dix dernières années nous a semblé judicieux. Éclairant. Autant pour nous que pour vous.

Cent personnes qui comptent pour nous, et qui ont oeuvré dans les années 2000. Nous tenions à ce que ce classement soit international et non franco-français, tropisme provincial contre lequel nous nous sommes toujours battus ici. Rappelons que Transfuge en ses débuts ne traitait que de littérature étrangère. Transfuge cosmopolite n’a pas oublié le mot de Baudelaire : « – Ta patrie ? – J’ignore sous quelle latitude elle est située. »

Fidèles à notre ambition première de défricheurs, vous verrez dans cette liste de jeunes auteurs sur lesquels on parie. László Nemes, Jean-Noël Orengo, Justine Triet, Édouard Louis, Zia Haider Rahman, Albert Serra, Charles Robinson, Arthur Harari, Rachel Lang… On verra dans dix ans.

Sont présents dans ce dossier des auteurs plus reconnus, qui commencèrent leur carrière avant les années 2000 et qui se confirmèrent durant cette décennie. Je pense par exemple au retour de Jim Jarmusch avec son chef-d’oeuvre Only Lovers Left Alive ou l’excellent Paterson à sortir en fin d’année. Ou encore Arnaud Desplechin qui émerge dans les années 90 et qui continue à faire d’excellents films la décennie suivante, comme le récent Trois souvenirs de ma jeunesse. En revanche, on ne choisira pas Abel Ferrara, grand cinéaste des années 90 mais qui manqua de confirmer son talent au xxie siècle. Idem pour Tarantino qui provoque un séisme dans la même décennie que Ferrara, puis poursuit son travail non sans talent, mais sans rien inventer de neuf.

Il y a ceux qui ont simplement explosé durant les dix dernières années : William T. Vollmann, Christophe Honoré, James Gray, Daniel Mendelsohn, Charles Dantzig, Simon Liberati, Catherine Millet, Yannick Haenel.

Signalons d’ailleurs ici que François Bégaudeau aurait pu être dans cette liste (lisez Deux singes ou ma vie politique, c’est un grand livre), mais participant activement au travail de la revue, il nous a semblé préférable de ne pas le compter parmi les cent. Idem pour Nicolas Klotz.

Ceux qui pensent qu’à Transfuge on a la dent dure ont raison. Debord : « La première déficience morale reste l’indulgence, sous toutes ses formes. » On est moins radicaux que Debord (pas envie de finir alcoolique), mais quand même. On fait ce qui nous plaît. Il n’y aura pas dans ce classement Michel Houellebecq et Virginie Despentes, les deux élus des médias et des Français. Ceux qui nous lisent régulièrement le savent, nous éreintons leurs livres systématiquement. Le premier est surestimé tant son ambition de révolutionner la langue est nulle. Il se contente de reprendre la définition que donne Aragon de la modernité : « Le moderne ? Le point névralgique d’une époque. C’est là qu’il faut frapper. »

S’il excelle dans cette catégorie-là, cela reste insuffisant pour le désigner comme un grand auteur. Quant à Despentes, pas plus que David Foenkinos, Philippe Djian, Amélie Nothomb, elle ne mérite le qualificatif d’écrivain, tant ses romans sont de gare et clichetonneux. Avouons cependant que la reine des punks nous a bien faire rire quand elle a accepté sans ciller d’entrer au jury Goncourt, lieu, comme chacun sait, de transgression.

Derrière ces écrivains et cinéastes, nous vous présentons aussi les hommes et femmes des coulisses qui ont permis à ces oeuvres d’exister.

Enfin figurent dans ce dossier quelques personnalités des médias qui ont soutenu la revue. C’est notre manière de les remercier.

Rendez-vous dans dix ans donc, chers lecteurs, dix années durant lesquelles nous continuerons ce difficile et réjouissant exercice d’admiration, d’amour, du commentaire de l’art.

PS : Ce numéro est dédié à Danielle Zetlaoui, sans qui Transfuge n’aurait pas été ce qu’il est devenu.

PPS : Déjà quelques lectures de la rentrée,  le grand retour de Salman Rushdie, un premier roman impressionnant, Thierry Froger, Sauve qui peut (la révolution), et une belle découverte, Caroline Hoctan, Dans l’existence de cette vie-là.