Années 1990. Cuba est encalminé en pleine « période spéciale ». Sous la neutralité bureaucratique de la formule, la réalité est sombre : l’île est asphyxiée par l’embargo US. Empire du système D, des estomacs qui crient famine. La misère au soleil. Dans cette île en phase terminale prolongée, un couple de vieux. Maison décrépite, combine pathétique pour survivre : l’homme revend des cigares au noir. Sans oublier les quintes de toux qui le terrassent. N’en jetez plus… Ah si, on oubliait : inquiétudes du médecin, ils perdent du poids. Un beau jour, elle, employée à la buanderie d’un hôtel, met la main sur une caméra. Attrait du nouveau jouet, le vieux couple ne résiste pas et se filme dans des scènes suggestives. Vol de la caméra, avec sa bande olé-olé. Elle échoue entre les mains d’un margoulin. Qui flaire la bonne affaire, le créneau film de charme + troisième âge émoustillant semble-t-il les touristes. Et s’efforce de convaincre ces porn-stars improvisées d’étoffer leur filmographie… Que vont faire nos vieux ?
On laisse en suspens la question, et on s’en pose une autre : que doit faire le spectateur ? Pleurer, pas question : l’accumulation de mistouf le et de malchance finit par sécréter une douce absurdité, à telle enseigne que le film, de chronique sociale misérabiliste, prend les chemins buissonniers de la fantaisie. Et c’est justement la force du nouveau long de Jhonny Hendrix Hinestroza. On parle de « force » au sens mécanique du terme- car le film est précisément ceci : un réjouissant mécanisme de défense à l’échelle de tout un pays. Si on parlait en termes psys, on dirait qu’il s’agit de substituer au principe de réalité (le naufrage d’un pays, de la vieillesse, tout ça) le principe de plaisir.
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