kawazeNaomi Kawase, An, Un certain regard

 

On n’a pas spécialement la larme facile, ni le kleenex promptement dégainé, et il faut bien l’avouer, le sentimentalisme nous semble réservé aux chaisières fripées, aux midinettes indécrottables et autres amateurs d’émotions bon marché et passablement frelatées. En sus (deux aveux pour le prix d’un) on a souvent trouvé que naomi Kawase avait une tendance assez suspecte à la guimauve bourrée d’additifs New Age sous emballage de spiritualité contemplative orientale. Et bien confession numéro trois, on est ressorti passablement touché du film de Kawase, qui tricote pourtant un canevas très lacrymogène: un cuistot renfrogné, une vieille dame apparemment évaporée, une lycéenne et son canari, tout ça essayant de survivre et de retrouver de la joie au milieu des cerisiers en fleurs. Sauf que le pathos, ici, est le versant éthique (la compassion, la force de rassemblement de l’émotion, la beauté de l’altruisme) d’un parti pris esthétique aussi fort que maˆitrisé: celui qui consiste à unir tous les points de vue, comme si chacun était solidaire de l’autre, de ce qu’il ressentait. Champs et contrechamps, jeux de regards, passages de perspective d’un personnage à l’autre, variations scalaires du micor (un plat de haricots rouges) au macro (les frondaisons des arbres), échappées ménagées vers d’autres mondes sociaux…tout fusionne. Noémie Kawase a réalisé un film littéralement unique.