L’atmosphère de l’Allemagne nazie est admirablement rendue dans cette mise en scène de  Grand-peur et misère du IIIe Reich de Bertolt Brecht. À retrouver aux Gémeaux.

« Vous n’allez quand même prétendre que c’est une affaire limpide. » Debout derrière son bureau, le juge, interprété par Philippe Duclos, montre des signes d’agacement tandis qu’un inspecteur détaille les éléments de l’affaire : un bijoutier juif a été cambriolé par des SA. Un coupable ? Le bijoutier, forcément. Il les aurait « provoqués ». La scène se passe en 1934 à Augsbourg. Le juge comme l’inspecteur sont anxieux. Car le bijoutier est protégé par un officier SS qui en pince pour sa fille. Qui accuser alors ? Il y aurait bien ce Wagner, un chômeur qui passait par là au moment des faits. Mais c’est un ancien combattant de la guerre de 1914-1918. Quel que soit son verdict, le juge devra rendre des comptes. Sur une image vidéo, on le voit marcher d’un pas lourd vers la salle d’audience comme s’il allait à l’échafaud. Ironiquement titrée « Trouver le droit », cette séquence donne un aperçu de l’atmosphère étouffante de l’Allemagne hitlérienne parfaitement restituée par Julie Duclos dans sa mise en scène de Grand-peur et misère du IIIe Reich de Bertolt Brecht. Construite sous forme de saynètes de tailles variées, la pièce expose les ravages du nazisme dans la vie quotidienne. La haine de l’autre et la violence s’y répandent comme un virus. Tout le monde devient suspect. Les parents tremblent à l’idée d’être dénoncés aux autorités par leurs enfants. Au téléphone, une femme annonce à son époux qu’en tant que juive, elle doit quitter le pays pour sauver sa peau. À l’autre bout du fil, l’indifférence du mari glace le sang. L’accumulation des séquences dessine un panorama accablant dont cette mise en scène finement ouvragée rend impeccablement compte.

Grand-peur et misère du IIIe Reich de Bertolt Brecht, mise en scène Julie Duclos, à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, du 16 au 25 janvier 2026