Blottière : le nom vous dit peut-être quelque chose ; vous avez peut-être lu en 2016 son Comment Baptiste est mort, roman remarquable sur une famille française enlevée par des djihadistes d’Afrique ou encore Le tombeau de Tommy, histoire d’un jeune héros juif de la résistance du mouvement Manouchian, deux de ses romans au beau succès.

Blottière, je ne l’avais jamais lu. Il est le genre d’écrivain de grand talent, qui peut échapper à la vigilance des critiques, alors même qu’il a reçu un grand nombre de prix (Décembre, Giono, Larbaud…) et qu’il publie depuis 40 ans chez Gallimard.

Blottière, ce nom est à retenir : il est un styliste comme on en croise peu en littérature. Grand lecteur de poésie depuis toujours, Rimbaldien en diable, sa langue, dans ce Ciel a disparu, est d’une impressionnante précision ; une langue imagée, douce, harmonieuse, parfaitement rythmée, qui nous entraîne dans une folle aventure menée par Ayann Ader, romancier français installé dans une oasis égyptienne, poète d’un certain âge pour qui l’observation des étoiles, du toit de sa maison en terre, est devenue impossible.

Peu à peu, le poète se mue en tueur : il se décide à assassiner Elon Musk car après avoir lu sur lui, il prend conscience qu’il est le principal instigateur et responsable de cette catastrophe, à travers son programme starlink, qui augmente sans cesse le nombre de satellites, afin de pouvoir un jour financer son idée de colonisation sur la planète Mars.

Il y a plusieurs tours de force dans ce roman, dont le premier est d’avoir réussi à mettre en lumière un danger réel d’obscurcissement de la terre, dû à la folie Musk, sujet que personne à part quelques scientifiques méconnus,

n’évoque jamais. Il est difficile de dire quelque chose de nouveau sur Musk, omniprésent dans les médias, et Blottière y est arrivé, et d’une bien belle manière, à travers le genre romanesque et un imaginaire politique.

Non moins géniale, sa manière de nous prendre en otage, nous lecteurs, auprès de ce poète devenu terroriste, obsédé à l’idée de sauver la planète, c’est-à-dire la beauté. Jusqu’à un certain point, nous devenons complices d’Ayann Ader, devenant terroristes nous-mêmes : ne serions-nous pas tous prêts à tuer si la cause nous paraissait valable ? Volontairement, Blottière nous place dans une situation inconfortable, ambiguë, désastreuse.

Il y a du tragique, du postapocalyptique dans ce roman, mais il y a aussi du ludique. Toute la partie d’élaboration à travers le Darknet de l’assassinat de Musk, est jouissive ! On se croirait dans un James Bond ! Va-t-il y parvenir ? C’est la question que l’on se pose longtemps à la lecture du roman. Je ne vous dévoile évidemment pas le dénouement.

N’oublions pas la belle histoire d’amour entre le petit-fils adoptif d’Ayann, Liki, jeune égyptien de 19 ans, et Jade, une Parisienne très sexuelle. Il décrit comme dans un grand nombre de ses romans, magnifiquement l’adolescence, un âge synonyme avant tout de sensualité selon lui.

Blottière ( voir l’entretien page 24) cite en exergue le philosophe Olivier Rey, qui synthétise le danger imminent, incarné par Musk : notre époque serait un mélange d’immaturité psychique et d’un très haut degré de technologie. La technique contre la nature, vieille histoire qui tourne à la tragédie ; la mort contre la vie.

Blottière, par ce roman puissant, vise au cœur d’un des drames contemporains. Il nous aura prévenus.