L’écrivain et journaliste Jean-René Van der Plaetsen signe un réjouissant recueil de nouvelles, fin, nostalgique et piquant. Une réussite.

On avait lu La nostalgie de l’honneur (2017) et Le Métier de mourir (2020), le tout chez Grasset, deux très bons romans. On ne le savait pas excellent nouvelliste. Ces nouvelles, intitulées d’un titre éponyme d’une de celles-ci, La vie à contre-courant, touchent le cœur, efficaces, sans fioritures, à la ligne claire. Des années 90 où il commença à en écrire, jusqu’à aujourd’hui, le style n’a quasiment pas changé : il est ferme comme on dit d’une main qu’elle l’est, d’une vitesse modérée, moderato cantabile, robuste comme un arbre centenaire. On y croise des gens riches, de très jolies femmes, (du genre Alexandra Stewart dans le Feu follet), des hommes souvent sûrs d’eux-mêmes dû à des situations professionnelles enviables, et un narrateur, lui, plus en prise aux doutes de celui qui observe, qui navigue à vue, du même milieu que ces personnages mais qui fait un pas de côté car l’écrivain n’est jamais tout à fait à l’intérieur, ni tout à fait à l’extérieur. Un clochard ou deux traînent dans le coin du livre, mais Jean-René Van der Plaetsen fait de l’un un rentier, de l’autre, à travers l’observation d’un nœud de cravate bien noué, un ancien riche. Monde clos : Van der Plaetsen a retenu la leçon de Proust ; on n’écrit jamais aussi bien que sur ce qu’on connaît le mieux. Un écrivain est un entomologiste ou rien. Il n’hésite pas d’ailleurs à donner quelques coups de griffe, notre entomologiste du XVIe arrondissement de Paris. Il paraît que chez ces gens-là, on ne parle que d’argent. Quel ennui ! semble penser un de ses personnages qui préférerait parler littérature ou douceur de sentiments avec une des jolies filles présentes. A contre-courant l’auteur l’est de toute évidence, par son sens de l’héroïsme. Ou sont passés les héros dans la littérature contemporaine ? Déconstruits, bien sûr. Alors on croisera un héros de la guerre d’Indochine, qui deviendra milliardaire dans d’incroyables circonstances. Un christianisme traverse aussi le livre. A plusieurs reprises, des personnages changent de vie, se souvenant qu’il faut faire le bien sur terre. Fini l’envie de guerre, les infidélités, la décadence : « et si j’essayais la bonté après les partouzes ? » confie l’un de ses personnages. L’art suprême de la nouvelle est bien évidemment la chute. Là encore, l’auteur sait faire. Je ne peux hélas la raconter, mais celle du « Faire part » fait mouche ! « La roue de l’infortune » est une des plus belles nouvelles du recueil ; l’histoire de cet homme très riche qui ne voulait rien posséder, qui se contenter d’observer les uns et les autres dans les grands hôtels où il passait, le Meurice surtout. Pas d’histoires non plus, ni amoureuses ni amicales, et naturellement aucune carrière professionnelle. Relecture légère de Monsieur Teste : la fin, nostalgique, est magnifique. L’humour, subtile, le trait d’esprit, n’est pas absent non plus de ces pages. L’histoire d’O est parfaite !

Il est possible comme le préfacier Eric Neuhoff l’écrit que quelque chose de désuet flotte sur ces nouvelles. C’est qu’en effet, le livre est à contre-courant : dans l’ensemble, ses personnages semblent plutôt heureux de vivre.

Jean-René Van der Plaetsen, La vie à contre-courant, Editions du Rocher,196p., 20€