Être-ensemble, être-simple. Joanne Leighton place The Gathering à l’endroit le plus naturel pour June Events : Sur une clairière.

Soir par soir au Bois de Vincennes, la présence de la forêt enchante le public de June Events. Et parfois, on part en expédition sylvestre pour suivre ou attendre les danseurs. D’autres rendent hommage à la nature sur un plateau. Cette année, le chorégraphe Christian Ubl et le jardinier-paysagiste-écrivain Gilles Clément, éminence grise du concept de « jardin en mouvement », vont évoquer ensemencement et floraison, par le geste et la parole, en Vagabondages & Conversations. Ce n’est que le début. Ensuite arrive Joanne Leighton qui invite la forêt sur le plateau du Théâtre de l’Aquarium. La chorégraphe australienne, depuis longtemps liée à l’Atelier de Paris qui organise June Events, part dans les bois, sans même fouiller le feuillage, pour découvrir les farandoles d’une tribu qui fait corps avec le vent, pour finir comme suspendue dans une sorte de transe. Depuis longtemps, Leighton s’inspire de paysages, de traversées, de chemins parcourus par les Aborigènes d’Australie ou de trajectoires urbaines. Mais sa compagnie porte le nom de WLDN, lisez Walden, à savoir Walden ou La vie dans les bois, titre du roman de Thoreau qui décrit l’expérience spirituelle, philosophique et pratique d’une vie solitaire dans la forêt. Et si on entend, dans The Gathering, le doux murmure d’une voix off, c’est qu’elle lit des extraits de Walden, en reflet de l’ambiance bucolique et enchantée qui anime et porte cette congrégation imaginaire et utopique. Sauf qu’ici la vie dans la nature n’est pas solitaire mais collective.

Au cœur de cette sylve métaphorique – Leighton parle d’un « plateau-forêt » – les dix êtres sont réunis par le désir de vivre ensemble, dans toute leur diversité. Cette communauté probablement spirituelle est liée autant à la terre qu’aux bois, à l’air, à l’eau et au vent. Par des effets non « spéciaux » mais d’autant plus étourdissants, la forêt envahit une clairière depuis le mur de fond, sous forme d’images qui se transforment au fil des saisons photographiées. Il suffit alors à cette dizaine d’ermites communautaires de manipuler quelques branches et cailloux pour fêter la vie entre danse, rituel, jeu et quotidien. Ils ne labourent pas le sol, ils le deviennent. Ils ne se laissent pas bercer par le vent, ils s’y fondent. Ils ne vivent pas dans la forêt, ils l’épousent. Et construisent leurs vies à partir des matériaux que la nature leur offre. Dans cet état intermédiaire naît une très soutenable légèreté à laquelle répond la musique de Peter Crosbie, entre tambours shamaniques et autres instruments traditionnels qui se mêlent aux sons électroniques. Poétique et organique, leur rite offre une déclaration d’amour à la nature, accompagnée d’un subtil avertissement quant à sa fragilité. Mais The Gathering n’a aucune vocation didactique, ne s’adresse pas aux instances rationnelles ou politiques, mais aux énergies et convictions intimes. Ce qui donne à cette ode à l’état premier toute son épaisseur et sa viscéralité.

The Gathering  de Joanne Leighton, Paris, Théâtre de l’Aquarium, Festival June Events, Le 14 juin