Il n’y a pas que la spirale : Taoufik Izeddiou achève à Montpellier sa trilogie sur Le Monde en transe. Une affaire de bassins, mais surtout de bassines. Un souhait, une crainte et un constat. 

Au Maroc, la danse contemporaine porte un nom : Taoufik Izeddiou. Ce chorégraphe n’est pas seulement créateur – en tant que tel il n’est pas le seul en son pays – mais aussi le fondateur du festival « On Marche » de Marrakech. Et Montpellier Danse lui fait la part belle, l’invitant à présenter une trilogie intitulée Le Monde en transe. : D’abord, Hmadcha, tel un souhait, en résonance à la confrérie soufie éponyme qui ne pratique pas le tournoiement, mais le saut. Ensuite, telle une crainte, le duo de danse et guitare rock Hors du monde, où le danseur Hassan Oumzili se trouve seul à s’époumoner dans une boîte de nuit. Et aujourd’hui le volet final, La Terre en transe, où se reflètent les souvenirs d’enfance d’Izeddiou, avec ce constat : « Je viens d’une famille du Gnawa, j’ai traversé ça pendant toute ma jeunesse. » Un jour de répétitions à l’Agora, la Cité de la danse de Montpellier, femmes et hommes dansent en cercle et font monter une énergie qui semble venir de loin, sur des rythmes envoûtants d’une musique kaada. On danse autour et sur des bassines en zinc, grandes et rondes, celles des femmes marocaines qui lavent le linge et que le petit Taoufik accompagnait. « Et pendant que le linge séchait, elles dansaient sur les bassines retournées », gros objets que les danseuses se disputent ou partagent, portent ou manipulent avant de retrouver la figure du cercle.  « Reproduire la danse traditionnelle, cela ne m’intéresse pas », déclare pourtant Izeddiou qui cherche à travers cette création à voir « comment chacun porte en lui la question du monde en transe ». Car la transe dont il parle n’est pas seulement celle des gnawas mais celle d’un état pandémique dans un monde qui perd la tête, « où certains s’inventaient des astuces pour que plus personne ne les approche. Un tel coupa une orange en deux et la mit comme masque, tel autre descendit dans le métro avec une ventouse pour ne rien toucher. Donc, il y a une grande arrivée de la performance dans la vie. » La Terre en transe est donc une trilogie sous influence (de corona), mais avec un volet final en guise de retour aux sources, où la danse, étourdissante, tourne autour des mères marocaines. L’enjeu : Trouver l’équilibre, celui de l’esprit conditionnant celui du corps. « Ici en France, j’évolue dans un contexte individualiste. Au Maroc, tout est affaire de communauté et de famille. Pourtant, on a besoin d’individualité et de communauté. Comme on a besoin de lignes et de spirales. Les spirales sont liées à la spiritualité, mais elles ont besoin d’être complétées par les lignes. » Ainsi se définit le thème chorégraphique de La Terre en transe : « Comment se situer sur une ligne tout en étant dans une spirale ? » Autrement dit, comment réconcilier deux visions du temps et de la vie ? 

Le Monde en transe de Taoufik Izeddiou, trilogie – Montpellier Danse, le 30 juin