A la Cartoucherie, June Events est de retour mais commence en mai. Un déplacement qui en annonce tant d’autres. 

Pour les Parisiens, le Bois de Vincennes rime avec dépaysement au bout du métro. Sur le site de la Cartoucherie, l’Atelier de Paris propose June Events, mais prend parfois quartier aux alentours, comme cette année avec ΑΓΡΊΜΙ Fauve – forest event de Lenio Kaklea qui s’élance à partir du Lac des Minimes – à 9h du matin ! A neuf heures du soir certains, peut-être, se perdraient dans la forêt… Le décalage horaire symbolise l’avancement de June Events qui commence, soudainement, au mois de mai. Mais être à cheval sur deux mois n’a rien de biscornu dans un lieu qui héberge aussi un centre hippique. Aussi le voyage spatio-temporel devient le grand thème du festival où on a rarement vu autant de chorégraphes venant d’ailleurs pour nous inviter à décaler notre regard, ni autant de glissements identitaires intérieurs. Et parfois les deux à la fois. 

Coup de théâtre avec l’apparition de Zora Snake, danseur se transformant en serpent, affublé d’un masque et d’un costume qui évoquent une cosmogonie qui s’impose avec la force du sacré, depuis une cosmogonie colonisée. On y verra aussi Idio Chichava, le Mozambicain que tout le monde s’arrache en ce moment. Et le DJ set d’ouverture, performé par Franck Micheletti, sera African Soul Power. L’Afrique nous rappelle sa force et voilà le Madagascar, avec Soa Ratisfandrihana. Son quatuor Fampitaha, fampita, fampitàna évoque l’expérience de vie d’enfants de la diaspora en territoire européen et fait résonner les échos d’un voyage de la chorégraphe dans l’histoire et le présent de sa terre parentale. Où elle s’est confrontée au passé colonial comme au potentiel de création et de pensée d’une île que l’Europe a placée dans son angle mort car l’état des terres vaudrait confrontation aux ravages du système colonial.

Aux Antilles aussi, cette relation est visible, dans les champs comme dans les corps des habitants. Mais qui, en France, a envie de parler de tous ces pesticides déversés là-bas ? Dans leur duo Tropique du képone, Myriam Soulanges et Marlène Myrtil montrent que, malgré cet environnement toxique, elles ont la banane, notamment sous un ciel bleu-afrofuturiste qu’elles situent en l’an 2722 ! Et pour rajouter une île de plus, voilà Aliféyini Mohamed aka Lil’C, originaire de Mayotte. Il vient avec un solo qui explore la possibilité d’un glissement vers le ressentir de son frère autiste, par empathie sociale, psychique et physique. Un solo à la recherche d’un territoire de guérison, d’un îlot de paix. 

A proximité immédiate du Bois de Vincennes, l’idée d’effacer les frontières entre soi-même et l’espace sylvestre vient naturellement à Capucine Dufour, chorégraphe et paysagiste, qui aime explorer les relations entre danse et espaces naturels. En partant avec elle dans les sous-bois, on peut alors faire une expérience sensorielle où la danse créera peut-être un espace ouvert à la perception, telle une forêt intérieure. L’idée de traverser les frontières entre le corps et une matière ou un état interroge aussi Vania Vaneau. La Brésilienne s’est beaucoup intéressée aux matériaux et aux tissus, mais jette cette fois son dévolu sur la lumière, ici vue non comme un langage artistique mais comme une matière qui entre en interaction physique avec des corps qu’elle influence et transforme. Ça donne un quatuor, Héliosfera. En sa sphère, que fera Hélios ? 

June Events du 22 mai au 8 juin