Vanessa Wagner est une pianiste qui ne se lasse pas de découvrir de nouveaux compositeurs et registres. Manière pour elle de réinventer son métier.   

Elle l’a souvent raconté, rien ne la prédestinait au piano. C’est l’arrivée chez elle d’un instrument, héritage de son arrière-grand-mère, qui modifie le cours de son existence. Dans sa famille de littéraires, la musique passe au second plan, mais son professeur, ancien élève d’Alfred Cortot, reconnaît son talent. C’est alors le conservatoire, celui de Rennes d’abord puis celui de Paris, dont elle sort précocement à 17 ans. « C’était galvanisant pour une jeune fille. Mais j’ai quand même passé le bac et fait un an de philo ». En germe, le goût de la liberté et de l’éclectisme. Elle écoute Depeche Mode et Thiéfaine à 18 ans, fait enfin la fête à 22, et découvre la musique électronique, sous l’œil dubitatif de ses pairs. « Je n’ai pas voulu suivre un chemin tout tracé, je n’ai jamais rêvé d’avions et de grands hôtels, de 180 concerts par an pour devenir une star ». À défaut de se présenter aux concours internationaux, elle cultive l’ouverture, développe son goût pour la musique contemporaine, se passionne, dès le début des années 2000, pour Steve Reich, Philip Glass et Arvo Pärt, enchaîne les disques. La critique la repère, et des programmateurs tels que René Martin la convient sur leurs scènes et à leurs festivals. « C’est mon disque Statea, conçu avec Murcof, le magicien du son électro, qui a donné un tournant à ma carrière, en 2016 ». À l’époque, c’est une vraie prise de risque dans ce monde du classique, encore suspicieux des rapprochements avec d’autres genres de musiques. Mais Inland, disque de piano minimal paru en 2018, crée l’événement. Le public français découvre Bryce Dessner et Nico Muhly, pourtant déjà des stars aux États-Unis. L’Arsenal de Metz, l’Auditorium de Poitiers, le théâtre des Bouffes du Nord ou encore la Philharmonie de Paris s’enthousiasment. « C’était une forme de récompense pour mon travail, un adoubement », confie-t-elle. Aujourd’hui, à cinquante ans, Vanessa Wagner se sent aussi à l’aise dans le répertoire classique et romantique que dans la création contemporaine ou la musique minimaliste. Sa flamme pour les musiques ne faiblit pas. Elle fait fi des étiquettes et cherche de nouveaux défis, techniques et musicaux. Comme celui de passer d’un instrument moderne ou des années 1820 à un pianoforte de la fin du XVIIIe siècle. Travailleuse inlassable, après un dernier disque en 2023, Les heures immobiles, clin d’oeil à Henri Michaux et à son appétence pour la littérature, elle prépare deux disques pour l’automne, l’un consacré à Grieg, Sibelius et Tchaïkovski, l’autre, pour deux pianos, à Ravel et Debussy. En 2025, ce seront des pièces que lui a dédiées le compositeur argentin Alex Nante qu’elle présentera chez Scala Music. « Je suis une grande angoissée, je ne peux pas m’arrêter ». Si le récital est son terrain de prédilection, elle aime partager la scène. Avec William Latchoumia, notamment, son partenaire en duos. Et avec des acteurs, des chanteurs, des auteurs. « Quand Éric Reinhardt m’a appelée pour me proposer une lecture musicale autour de son dernier livre, Sarah, Susanne et l’écrivain, il craignait que je refuse que Julia Faure et lui lisent pendant que je jouais. Mais au contraire ! Les lectures où un air de Chopin vient ponctuer le silence entre deux poèmes, très peu pour moi ! » La rencontre sera de nouveau programmée à Chambord, cet été, durant la treizième édition du festival dont Vanessa Wagner est la directrice artistique. On s’en doute, le fief de François 1erest pour la musicienne un espace idéal où faire se côtoyer les répertoires, les artistes, les œuvres, de la Renaissance et à aujourd’hui, du jazz à la musique minimaliste, dans une salle d’apparat comme dans une grange, ou même… dans la forêt. 

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