Avec Guten Tag, Madame Merkel, Anna Fournier dresse le portrait drôle et humain d’une politicienne « sans charisme », devenue l’une des plus puissantes du monde. 

Née en Allemagne de l’Ouest, mais ayant grandi en ex-RDA, Angela Merkel n’était pas prédestinée à être sur le devant de la scène politique européenne. Physicienne de son état, elle vit tranquille à Berlin dans un appartement en bord de canal à deux pas du musée de Pergame, avec son second mari Joachim. Son plus grand plaisir, c’est de déguster avec lui une bonne salade de pommes de terre faite maison. Semblant sourde à tout ce qui se passe autour d’elle, bien que déjà engagée politiquement contre le communisme, le jour de la chute du mur de Berlin, loin d’être révolutionnaire, elle est comme à son habitude au sauna en train de se détendre. Les aléas de l’existence, la rencontre avec la figure imposante et paternelle d’Helmut Kohl, vont changer le cours de son histoire et celui de l’Allemagne. 

Anti-héroïne par excellence, Angela Merkel gravit les marches du pouvoir de manière fulgurante. Malgré sa frange improbable et son tailleur veste pantalon qu’elle décline dans toutes les couleurs, elle devient secrétaire de l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (CDU) , puis sa présidente. Enfant de l’est qui s’est épanouie à l’âge adulte à l’ouest, elle est la parfaite synthèse de l’Allemagne de ce début du XXIe siècle entre rigueur et progressisme. « En l’incarnant Dans les ruines d’Athènes du Birgit Ensemble, en juillet 2017 à Avignon, se souvient Anna Fournier, j’ai découvert un personnage fascinant dont certes je ne partage pas les idées, mais dont je respecte l’éthique et son rapport très sain au pouvoir politique et humain. Attachant beaucoup d’importance à porter au plateau des questions citoyennes, j’ai eu envie de croquer son portrait à la manière des guignols de l’info qui ont bercé mon enfance. Clairement mon objectif n’était pas hagiographique, mais par son prisme d’éclairer avec humour la politique européenne de ces vingt dernières années. » 

Luttant contre la nature antithéâtrale de l’ex-chancelière, l’autrice, comédienne et metteuse en scène ne cherche pas à l’imiter mais bien à l’incarner. Campant une femme déterminée mais très ordinaire, Anna Fournier invite les spectateurs à pénétrer dans son intimité, à découvrir l’envers du décor. De sa peur des chiens, faiblesse dont s’est servi Poutine pour tenter de la déstabiliser, à son regard sans concession sur les politiques de son temps – Obama pas si sympa, Mitterrand désagréable… – , tout est dévoilé avec un humour ravageur et une belle humanité. « Grâce au personnage d’Angela, explique l’artiste, je peux me permettre de parler de la politique française sans ambages, sans faux-semblants. Je peux tout oser par son prisme. C’est absolument jubilatoire. Et je pense que les spectateurs rient beaucoup plus que si c’était une personnalité française qui s’exprimait. »

Loin d’être austère, L’Angela Merkel d’Anna Fournier ose le débridé, le pas de côté burlesque. Entre fiction et réalité, ce seul-en-scène extrêmement documenté est un petit bijou de drôlerie, une satire politique sans complaisance qui fait mouche. Entrez dans la ronde du pouvoir, riez tout est presque vrai !

Guten Tag Madame Merkel, d’Anna Fournier, l’Espace Michel Simon – Noisy-le-Grand (93), Le 23 avril.