Né du travail que Joël Pommerat mène depuis plus de dix avec les détenus de la maison centrale d’Arles, Amours (2) invite le spectateur au plus près des tourments qui habitent les relations amoureuses, familiales ou amicales. 

Le théâtre peut-il remettre dans le droit chemin des âmes égarées ? Cette question, Joël Pommerat a dû se la poser en 2014 quand la directrice de la maison d’arrêt d’Arles fait appel à lui pour participer à un atelier d’art dramatique en prison. Le but ? La réinsertion par l’écriture d’une pièce de théâtre. À l’origine de ce projet, un sacré lascar, Jean Ruimi. Tout juste transféré des Baumettes, cette ancienne figure du grand banditisme marseillais, se targue d’écrire. Son rêve, monter une troupe avec d’autres détenus. L’initiative a de quoi séduire l’administration pénitentiaire. Assez vite, une rencontre entre les deux hommes est organisée. Entre quatre yeux, ils échangent, s’apprivoisent, montent ensemble plusieurs spectacles dont Désordre d’un futur passé, en 2015, Marius d’après l’œuvre de Marcel Pagnol, en collaboration avec Caroline Guiela Nguyen, en 2017. Au fil des projets, le lien se renforce. Une amitié voit le jour. 

En 2019, la direction de la Prison demande à Joël Pommerat de réduire la voilure, les précédents spectacles avaient été trop lourds à gérer. Le metteur en scène s’adapte, revient à l’essence du théâtre et propose de revisiter des fragments de ses anciennes pièces. Pour ce qu’il a en tête, pas besoin de lumière, de son, pas besoin de décor, à peine quelques chaises. Pour le reste, le jeu des comédiens suffit. 

 Entre les quatre murs du centre pénitencier, Amours (1) voir le jour. L’année d’après, Jean Ruimi sort de prison. Aussitôt, il est engagé en tant que comédien permanent de la compagnie du metteur en scène. L’idée de poursuivre cette aventure au plus près des artistes, de leur souffle, de leurs mots chuchotés, de la partager hors du cadre pénitencier, fait son chemin. Un ex détenu ayant travaillé avec Olivier Py et trois comédiennes professionnelles plus tard, une nouvelle mouture est imaginée. D’autres textes viennent enrichir le corpus. Avec un sens aiguë de la nature humaine, de sa complexité, Joël Pommerat donne chair, à travers une mosaïque de couples, aux maux souvent tus qui déchirent nos existences. Dans ce huis clos, où acteurs et spectateurs se confondent, un père s’inquiète de la relation étouffante qui se noue entre son fils et son petit-fils, une femme écoute l’histoire de sa vie que son époux lui conte chaque jour avant qu’elle l’oublie à nouveau, une autre reproche à sa fille de mal parler à son père. 

 Avec rien, des cris, des chuchotements, Pommerat et ses interprètes évoquent notre relation à l’autre, et livre à un public restreint – la jauge est petite- un supplément d’âme.

Amours (2) de Joël Pommerat. Du 12 au 16 mars 2024 au Théâtre national de Strasbourg