Un mot d’abord sur Rachida Dati, nouvelle ministre de la Culture. Macron aime les surprises. Il le prouve une nouvelle fois. Stupeur et tremblement du milieu de la culture. Il fallait voir le visage de l’ancienne égérie Chanel, Anna Mouglalis, apprenant la nouvelle ; on aurait cru qu’elle avait vu Goebbels en chair et en os. En réalité, cette nomination est un feu de paille. Il ne se passera pas grand-chose au ministère. Le patrimoine semble intéresser Rachida Dati. Je ne suis pas sûr qu’elle s’attaque à Bertolt Brecht, sait-elle même qui il est ? Tout au plus attend-on avec impatience les Césars, le spectacle risque d’être éblouissant. Une fois de plus. Nos amis du cinéma, enragés, hébertistes, Gracchus Babeuf en herbe, vont s’en donner à cœur joie. Cette année, ce sera Depardieu. Après 2 millions 357 mille articles à charge, le dernier coup de couteau sera donné. La machine gloutonne #Metoo a besoin d’un bouc sinon elle meurt. Il faudra en trouver un autre l’année prochaine : A qui le tour ? Parions aussi qu’il y aura un mot sur les morts de Gaza, le cessez-le-feu immédiat. Le Bring them home sera passé sous silence. Le parti antisémite LFI a fait du bon boulot.

Côté cour, tiens, Sylvain Tesson. Six cents génies de la littérature et de la poésie ont porté plainte. Pardon, ont signé une pétition. Il allait devenir Parrain du Printemps des poètes. Le collectif Woke entre en résistance. Les Jean Moulin, les d’Astier de la Vigerie, les Missak Manouchian, les Daniel Cordier d’aujourd’hui ne s’en laisseront pas conter. Aux armes ! Tesson le fasciste doit être décapité. Chloé Delaume tire à boulet rouge sur les hommes, quels qu’ils soient. Sa misandrie est sans conteste. Hier, les Juifs, hier, les Noirs, hier, les homosexuels. Aujourd’hui le mâle blanc. Bravo Chloé. Là, Tesson cumule les casseroles, un homme, un blanc, un bourgeois, un facho. Il ne manquerait plus qu’il soit passé par Stanislas pour que la coupe soit pleine. Libé et Mediapart enquêtent.  No pasaran. Le dernier livre de Sylvain Tesson, Avec les fées, est une merveille, as usual. Chloé Delaume faisait-elle partie de ces fées ? Alors, Tesson facho ? Tout le monde le sait : ses livres regorgent de propos racistes, antisémites, homophobes, animauxphobes, transphobes, misogynes, et que sais-je encore. Céline, Drieu et consorts peuvent aller se rhabiller. On a trouvé meilleur. Mais comment alors que tout cela relève du délit, arrive-t-il à passer entre les mailles du filet légal ? Antoine Gallimard, son éditeur, a-t-il un truc ? Un passe-droit ? Des entrées au ministère de l’Intérieur ? Et ces centaines de milliers de lecteurs, comment supportent-ils tant d’horreurs ? Tesson va démissionner, c’est sûr. Comment va-t-il s’en remettre ? Ce sera dur. Un poste si prestigieux.

On a bien ri aussi à écouter Geoffroy de Lagasnerie sur France inter, qui paraît-il, se méfie de Kafka. Ce pauvre Kafka, venu trop tôt au monde. Au fond un pauvre type, à écouter Lagasnerie. On aurait presque pitié de lui. Il n’a pas eu la chance de Lagasnerie, de lire les grands sociologues d’aujourd’hui. Alors comment peut-il dire quelque chose de juste sur le pouvoir, la société, de juste, de fort, de neuf, ce pauvre écrivain ? C’est aussi simple que cela. Deux perles accompagnent ces propos : on lit pour dominer. Sous-entendue la bourgeoisie lit pour dominer. Sous-entendu Jean-Marie Rouart lit pour dominer. Car tout le monde le sait, il n’y a que des Jean-Marie Rouart qui lisent. De Dijon à Tourcoing, de Lyon à Vesoul, de Viglain à Puteaux : des Jean-Marie-Rouart à la pelle. Cette jeune fille, isolée dans sa chambre, qui s’évade et rêve grâce aux Soeurs Brontë, Balzac, Dickens, Dickinson, pour échapper à ses parents alcooliques, lit par esprit de domination sociale, c’est sûr ! Quant à son idée que le problème de la littérature reste le personnage, qui ne peut, le pauvre, ne voir le monde que subjectivement, c’est-à-dire faussement, à travers ses petits yeux d’idiots, incapable de percevoir structures, superstructures, supersuperstructures, seules garantes de la Vérité objective, on reste coi. Lagasnerie hait la littérature.

Je n’ai pas eu le courage de lire son livre, c’est vrai. Tant de bons livres ; et les heures passent.