La violoniste et l’Orchestre National d’Île-de-France présentent ce mois-ci un ambitieux programme : Nouveaux Mondes. Portrait d’une soliste aux multiples facettes.

Il est des destins qui ne tiennent qu’à une corde. Ann-Estelle Médouze ne serait peut-être pas devenue musicienne sans le voisin luthier de son enfance. Au dire de ses parents, chaque fois qu’elle entendait ses violons résonner, c’était l’émerveillement. Jusqu’au jour où l’épouse dudit luthier pose sur l’épaule de la fillette un minuscule instrument. « J’avais quatre ans, c’est l’un de mes plus anciens souvenirs. J’en garde une sensation, une vague image », avoue la désormais super-soliste à l’Orchestre national d’Île-de-France. Ann-Estelle entre à l’école Suzuki, puis au conservatoire de Lyon, où elle travaille surtout la musique de chambre. Sa voie se trace naturellement. En 1996, elle s’envole pour New York et étudie auprès de Pinchas Zukerman. « Ç’a été une rencontre exceptionnelle, il m’a énormément appris. Mais cette école m’a aussi ouverte à une variété d’expériences musicales. Mes camarades avaient tous des profils très variés. J’ai pu me frotter à des styles différents, au jazz notamment », se souvient-elle. De retour en France en 2001, elle s’installe à Paris, termine son cursus au CNSM et rejoint les rangs de l’ONDIF. « Ce que j’aime avec cet orchestre, c’est que l’on sillonne l’Île-de-France, et que l’on joue aussi bien à Fontainebleau qu’à Sarcelles, Coulommiers ou Rungis. J’aime cette variété des publics, et les réactions fortes de ceux qui n’ont encore jamais assisté à un concert classique ». Un de ses souvenirs marquants : avoir joué dans un foyer de migrants : « Nous étions une dizaine de musiciens, les gens avaient cuisiné pour nous, ils étaient émus qu’on vienne jusqu’à eux », raconte-t-elle. 

Ce désir d’ouvrir la musique à des publics variés, Ann-Estelle Médouze l’a concrétisé pendant plus de dix ans en enseignant au Pôle Sup 93 de la Courneuve, à des jeunes aux parcours éclectiques. Et l’éclectisme la connaît, elle qui interprète aussi bien de la musique de chambre que de la musique symphonique, dans les rangs d’un orchestre ou en tant que soliste. Si elle avoue adorer Mozart, les œuvres du répertoire classique et romantique, de Beethoven à Brahms, elle ne veut se cantonner ni à un genre, ni à un compositeur. Avec l’ensemble Sésame, constitué d’un quatuor à cordes et d’un piano, elle a enregistré toute la musique de chambre instrumentale de Ravel, soit trois CD chez NoMadMusic. Mais la réflexion est à leur nouveau projet. Bartók ? Tout est ouvert. Ce qui est certain, c’est qu’Ann-Estelle se produira en janvier en tant que soliste lors d’un concert intitulé Nouveaux Mondes, et qu’elle interprétera le concerto de Brahms. « Toutes les deux ou trois saisons, l’ONDIF met en avant certains de ses musiciens, dans des concertos ou des symphonies concertantes. Cette année, on m’a proposé de choisir un programme. J’ai eu envie de rejouer le concerto de Brahms que j’avais déjà interprété il y a de longues années en Autriche, et plus récemment en Allemagne. Case Scaglione, le directeur musical, a tout de suite accepté », conclut-elle. Mère d’une petite fille, pour qui elle a choisi de délaisser un temps l’enseignement, elle continue de transmettre. Un jour, elle lui donnera sûrement ce conseil, qu’elle a prodigué à bien des jeunes : il faut savoir garder, malgré la rigueur du travail, le grand plaisir que procure la musique. 

Nouveaux Mondes, Orchestre Nationale d’Ile de France, direction musicale, Case Scaglione, le 23 janvier à la Philharmonie de Paris, le 24 à Puteaux, le 25 à Lieusaint, le 26 à Rungis, le 27 à Maisons-Alfort, le 28  à Villeparisis