Nouvelle année oblige, panorama des propositions les plus alléchantes de ce début d’année 2024.

D’aucuns déplorent que notre vie musicale se ralentisse, que l’opéra tourne en rond, qu’il se mire inutilement le nombril, qu’il ronronne à loisir… Laissons ces considérations aux fâcheux (ils sont nombreux !) et réjouissons-nous que l’offre lyrique française soit aussi vaste que variée !

L’opéra, ce sont avant tout des voix et l’on en entendra de fort belles, à l’hiver et au printemps. 

Bien qu’elle se prenne parfois les pieds dans le tapis politique, Anna Netrebko reste la seule véritable diva assoluta de notre époque : on la retrouvera dans la reprise de la jolie production de la rare Adrienne Lecouvreur de Francisco Cilea, à l’opéra Bastille (16/01-7/02). Autre voix parmi les favorites du public français : le coruscant ténor américain Michael Spyres, dont la palette vocale lui permet de sauter sans encombre du Bel canto au vérisme. Les Strasbourgeois pourront l’entendre dans un Lohengrin mis en scène par Florent Siaud (Opéra du Rhin,10/03-10/04) puis les Parisiens le retrouveront dans l’une des œuvres maîtresses du premier XIXe siècle -qui impressionna beaucoup Wagner- La Vestale de Gaspare Spontini, monument des temps napoléoniens (Bastille, 15/06-11/07).   

Autre monument, le colossal Boris Godounov de Moussorgski, dont on hésite désormais entre les différentes versions, tant il fut manipulé par son auteur et (admirablement) réorchestré par Rimsky-Korsakov. C’est la toute première version, celle de 1869, qu’a choisi de monter le Théâtre des Champs-Élysées. Un opéra sans entracte, d’une traite, d’un souffle. Olivier Py sera à son aise dans ce drame d’ombre et de lumière ; quant au baryton allemand Mathias Goerne, il possède l’intelligence musicale de ce personnage de souverain torturé… (28/02-7/03)

Bien plus léger, mais toujours délicieux, sont Les pécheurs de perles de Bizet. Œuvre populaire mais finalement assez méconnue, car on la réduit à deux ou trois airs, elle est un bijou de raffinement français. La production de Yoshi Oïda pour l’opéra de Bordeaux met en valeur la délicatesse de cette partition d’un Bizet juvénile ; et Florian Sempey y sera un Zurga idéal (20-26/01) 

Pour rester dans un esprit funambulesque, on sera bien curieux de découvrir la lecture que le très talentueux et polymorphe Guillaume Gallienne va donner d’un doublé passionnant : Pulcinella de Stravinsky et l’Heure espagnole de Ravel. Épaulé par la chorégraphe Clairemarie Osta, et servi par une distribution idiomatique (Stéphanie d’Oustrac, Philippe Tablot, Jeans-Sébastion Bou), le cinéaste de Les garçons et Guillaume à table saura retrouver la folie horlogère de ces petits bijoux de subtilité (Opéra Comique, 9-19/03)

Force est d’avouer qu’on rira moins franchement à la Philharmonie de Paris, du 9 au 11 janvier, pour un très intrigant spectacle hybride : Transfiguré-12 vies de Schönberg. Il s’agit d’une exploration des différents avatars du père du dodécaphonisme, à travers douze « stations ». Pour nous conduire sur ce chemin de croix symbolique : le cinéaste Bertrand Bonello. 

Enfin, au registre des raretés : trois productions très attendues. Tout d’abord la peu jouée Fille du Far West de Puccini, unique western de l’histoire de l’opéra, commandé par l’opéra de New-York en 1910 ( Opéra de Lyon, 15/03-2/04) ; encore plus rare, l’admirable Guercoeurd’Albéric Magnard, un chef-d’œuvre de post-wagnérisme à la française, jamais remonté depuis sa création en 1931, et que nous offre l’opéra du Rhin, avec Stéphane Degout dans le rôle-titre. Enfin, l’opéra de Paris propose la création de L’Ange Exterminateur de Thomas Adès : la transposition lyrique du célèbre film de Luis Buñuel (29/02-23/03). On demande à entendre et à voir !