Avec les J.O. en perspective, la dix-neuvième édition du festival Hors Pistes au Centre Pompidou, intitulée « Les règles du sport », invite des artistes à nous donner leur vision du sport. 

N’attendez pas l’été, les principaux vainqueurs des Jeux Olympiques de Paris seront connus dès ce mois de janvier. Non seulement le gain de temps est appréciable, puisqu’on pourra faire autre chose pendant qu’auront lieu les compétitions auxquelles on n’aura plus besoin d’assister, mais c’est désormais une nouvelle vision du sport qui se profile à l’horizon. Reste à savoir quelle vision exactement puisqu’en toute logique les épreuves n’auront plus de raison d’être. Absurde ? C’est en tout cas ce qu’il ressort de l’œuvre de l’artiste plasticien David Guez intitulée Quel est le vainqueur des JO 2024 dans la discipline x ?. Ce travail mêlant installation, vidéo et photographies, interroge la façon dont les technologies peuvent modifier notre appréhension du temps et de la mémoire. Ayant déjà questionné Chat GPT sur son propre avenir, il précise aujourd’hui ses recherches en explorant les possibilités offertes par l’Intelligence Artificielle pour prédire le futur proche. À cet égard les J.O. constituent un terrain d’expérimentation idéal. En posant la question qui sert d’intitulé à son œuvre, David Guez a obtenu une liste de noms de sportifs de tous pays et dans toutes les disciplines dont les chances de remporter les épreuves en question sont hautement probables. Leurs portraits en médaillés d’or seront exposés sur un mur. Restera à savoir quelles ressources ont alimenté la machine et comment ont opéré les algorithmes ayant généré ces images.  

La grandeur des buts féminins 

Cette incursion ironique dans le domaine de la prophétie est à découvrir à l’occasion de la nouvelle édition du festival Hors Pistes au Centre Pompidou à Paris, dont le thème cette année est « Les règles du sport ». Multidisciplinaire, cette édition du festival aborde le sport en tant que reflet des évolutions de la société, comme l’explique Géraldine Gomez, chargée de programmation au Centre Pompidou : « Il m’a paru intéressant de prendre en compte comment l’intervention de la technologie dans le sport pouvait non seulement en influencer les règles mais aussi notre perception. Le fait que ce soit une vidéo par exemple qui décide dans le football si un but est valide ou non ; ou plus généralement l’usage de l’intelligence artificielle. On s’est aussi intéressé par la standardisation des normes en relation avec la compétition internationale qui laisse de côté les particularités régionales de certaines disciplines sportives. Le sport est un monde régi par un grand nombre de règles. Or on constate que de plus en plus, ces règles prennent en compte les questions sociétales avec notamment la prise de conscience des inégalités et des discriminations et la volonté de garantir un environnement plus inclusif et respectueux. Mais ces règles ne vont pas sans controverses. » Géraldine Gomez évoque à ce propos le projet de réduire la largeur des buts dans les matchs de football féminin qui a suscité un tollé de la part des joueuses : elles  ont évidemment refusé ce traitement qui les inférioriserait par rapport à  leurs homologues masculins. Questionner la règle, c’est aussi remettre en question un certain nombre de stéréotypes. Tel est l’enjeu de ce festival que Géraldine Gomez voit d’abord comme un dispositif associant cinéma, arts plastiques, performance, théâtre, débats d’idées et littérature. Le tout avec en ligne de mire la tenue prochaine des Jeux Olympiques à Paris.  

Cérémonie d’ouverture 

C’est dans cet esprit que la plasticienne Pauline Bastard présente La cérémonie des cérémonies, installation vidéo montrant la mise en scène à l’échelle d’un quartier avec des comédiens amateurs d’une cérémonie d’ouverture de Jeux Olympiques s’inspirant, entre autres, des Jeux de Moscou en 1980, d’Atlanta en 1996 ou de Nagano en 1998. Il s’agit de pointer les fastes de ces cérémonies d’ouverture en contraste avec la situation économique parfois difficile des pays concernés. Cette installation sera aussi la bande-son du festival reproduisant en fond sonore de multiples voix dans des langues différentes, comme une rumeur évoquant l’imaginaire des Jeux Olympiques. Autre artiste présenté, Mehryl Levisse, décédé le 1er décembre dernier, a conçu avec Les drapeaux ne sont pas des bouts de tissus silencieux une installation immersive où le vert des pelouses, le rose des maillots de rugby, l’ocre des courts de tennis se mêlent, créant un paysage sans limites. Autre présence importante dans le cadre de ce dispositif qui est aussi un parcours, celle des Dégommeuses, équipe de football LGBT et trans, qui avec Le grand écart ouvrent le festival en proposant des conférences, sur l’histoire du football féminin, des lectures, mais aussi des récits intimes.  

L’alpinisme à l’honneur 

Enfin le festival Hors Piste n’a jamais aussi bien porté son nom avec une série de films de Thomas Salvador autour de l’alpinisme, discipline qui n’est pas représentée aux Jeux Olympiques. Le cinéma de Thomas Salvador, lui-même alpiniste amateur, offre par le biais de la fiction un regard poétique singulier sur la relation entre le corps du grimpeur et la montagne. Outre Briques, film inédit, on pourra voir plusieurs de ses courts-métrages ainsi que La Montagne, son dernier long-métrage où son imaginaire se déploie librement entre fascination pour les cimes et fantastique. Pour alimenter cette thématique autour de l’alpinisme, Thomas Salvador a par ailleurs choisi de programmer le film Cerro Torre, le cri de la roche de Werner Herzog sur l’ascension d’un pic andin de Patagonie considéré comme un des plus difficile du monde. Enfin le ton diffère quelque peu avec Terres noires, La Cabale des oursins et Foix, trois films à l’ironie caustique de Luc Moullet consacrés aux Pyrénées. 

Hors Pistes, « Les Règles du sport » au Centre Pompidou, Paris, du 18 janvier au 18 février  , plus d’informations