De Marion Duval, avec Cécile Laporte, à Pascal Rambert en passant par Elfriede Jelinek, l’édition 2024 du festival orléanais s’annonce des plus mordantes.  

On n’en croit pas ses yeux et surtout ses oreilles. On est sidéré, happé, ébloui. Quand Cécile Laporte rejoue sa vie sur la scène d’un théâtre comme on a pu la découvrir il y a quelques années dans Cécile, mis en scène par Marion Vidal au Centre culturel Suisse à Paris, le public est saisi par le parcours ahurissant de cette trentenaire à la tignasse rousse et aux yeux pétillants. Sans fard, elle raconte comment elle s’est jadis prise pour la réincarnation de Bob Marley, a été animatrice dans un centre de séjour pour handicapés, a vécu dans des squats, affronté les CRS à Notre Dame des Landes où elle avait sa caravane. Elle a aussi été clown en Mongolie ou encore actrice de porno pour l’association écologiste Fuck for Forest. Son nom de scène alors était Cascade, car elle est femme fontaine. N’en jetez plus ? Au contraire, car Cécile Laporte est intarissable. On l’écouterait volontiers jusqu’au bout de la nuit. Sa simplicité, son parler cru, son goût des détails comiques ou truculents sont inimitables. Le jour où Marion Duval a fait la connaissance de Cécile Laporte, elle a aussitôt eu envie de la mettre en scène avec un argument très simple : « Cécile fait fleurir les gens autour d’elle ». Ainsi est né Cécile, spectacle présenté à Orléans dans le cadre du festival Soli, dont la programmation en ce début d’année s’annonce des plus alléchante. On pourra aussi y découvrir Lullaby for Scavengers (« Berceuse pour les charognards »), troisième volet d’une trilogie sur la solitude et l’amitié du Britannique Kim Noble. Comédien et vidéaste, connu outre-Manche pour ses participations à des shows télévisés comme Noble & Silver ou The Mighty Boosh, il apparaît ici seul en scène. À ses côtés, un renard et un écureuil morts sont conviés à s’exprimer dans une atmosphère à la fois comique et glaçante, façon pour l’acteur d’aborder dans un registre pince-sans-rire la difficulté de trouver sa place dans une société qui ne vous accepte pas tel que vous êtes, mais aussi la dépression ou plus largement les aléas de la condition humaine. D’humour noir, il est aussi question dans Sur la voie royale d’Elfriede Jelinek interprété avec brio par l’actrice Christelle Tual dans une mise scène de Ludovic Lagarde. Écrit en réaction à la présidence de Donald Trump, ce texte féroce et drôle qui dénonce les dérives populistes contemporaines redevient d’actualité avec le retour de plus en plus probable de l’ex-président à la tête des Etats-Unis. Dans un tout autre registre, le festival sera aussi l’occasion de découvrir Personne, création solo de Yann Frisch. Ce magicien, clown, manipulateur d’objets est en même temps un conteur talentueux qui questionne dans ce spectacle les prodiges de l’illusion théâtrale. Multipliant les apparitions, les doubles et autres faux-semblants, il jongle en virtuose avec les masques et les costumes pour embarquer le spectateur dans un vertigineux emboîtement de récits. 

Autre temps fort de ce festival qui fait manifestement dans l’excellence, Perdre son sac, monologue en forme de confession conçu et écrit par Pascal Rambert pour la comédienne Lola Giouse dans un dispositif constitué de chaises installées en cercle comme si elle s’exprimait au sein d’un groupe de parole. Et aussi Partout le feu d’Hélène Laurain et Patrice Douchet, portrait à la première personne de Laetitia, née trente minutes avant l’explosion de Tchernobyl, qui, devenue militante écolo après une vie débridée, s’apprête à mener une action spectaculaire. Beau programme.

Soli, festival au Centre dramatique national d’Orléans Val de Loire, du 17 au 27 janvier, plus d’informations