Comme chaque année depuis huit ans, le CentQuatre-Paris invite certains de ses artistes associés à investir les différents espaces de ce site iconoclaste avec des propositions hors-normes et hybrides.
Perché dans le nord de Paris, presque en bordure du périph’, le CentQuatre-Paris, qui avant sa réhabilitation en 2008 abritait les anciens services de pompes funèbres de la ville, fait partie de ces friches artistiques qui ont su au fil du temps non seulement faire du lieu un incontournable dans le panorama culturel, mais aussi un espace de création atypique avec une identité propre et singulière. Arrivé à la tête de cet établissement public du XIXe arrondissement de Paris en 2010, José-Manuel Gonçalvès n’a eu de cesse de développer les projets divers et variés – festival de danse, festival dédié à l’émergence, Biennale internationale des arts numériques de la Région Île-de-France, etc. – et ainsi attirer de nouveau public. Avec Les Singulier.es, c’est l’ADN même du lieu qui s’invite sur scène. Pour cette nouvelle édition qui se tient du 18 janvier au 25 février 2024, pas moins de dix-sept propositions artistiques seront présentées. De quoi titiller les curiosités, stimuler les appétits d’arts vivants sous toutes ses formes.
Se nourrir de figures archétypales et populaires pour en dépasser l’image d’Épinal est le processus artistique qui sert de fil rouge aux créations de Juliette Navis. Après Vandamme et sa vision satirique du monde monétaire, elle s’intéresse à la plus québécoise des chanteuses internationales, Céline Dion, pour poser, à travers elle, la question du deuil dans nos sociétés contemporaines et européennes. Porté par une incroyable et survoltée Laure Mathis, plus vraie que la véritable artiste canadienne, ce spectacle totalement surréaliste est un petit bijou de drôlerie et d’intelligence. Tout aussi barrée et exaltée, la comédienne décalée Stéphanie Aflalo revisite de manière totalement absurde quelques chefs-d’œuvre de la peinture dans L’Amour de l’art, et fait dans Jusqu’à présent personne n’a ouvert mon crâne pour voir s’il y avait un cerveau dedans, l’éloge délirante et déjantée de la confusion et du non-sens inspiré par la pensée du philosophe Ludwig Wittgenstein.
Avec beaucoup de tendresse et un brin de poésie, Jules Sagot, membre fondateur des Bâtards dorés, plonge dans son histoire familiale et nous invite avec Les Frères Sagot, à partager avec lui sa plus belle histoire d’amour, celle qui l’unit à son frère Luis. Né au Mexique, l’enfant est balloté de foyer en foyer avant d’être adopté. Certes la fratrie n’est pas de sang mais de cœur. Différent des autres, vivant au ralenti, Luis a de multiples talents, dont celui de transformer le quotidien en fête, de donner un petit supplément d’âme à tous ceux qui l’approchent. Une œuvre rare à découvrir afin de ne jamais rester intolérant à la différence. Avec la même humanité, Olivier Martin-Salvan met en scène dans une sorte de fantaisie médiévale, les comédiens et comédiennes de Catalyse, troupe professionnelle du Centre National pour la Création Adaptée. Dans une scénographie imaginée par le duo Clédat et Petitpierre qui n’est pas sans rappeler l’univers des Playmobil®, bien que le texte singulier de Valérian Guillaume ait du mal à se faire entendre, le travail de l’artiste, qui triomphe actuellement un peu partout en France dans Les Gros patinent bien, ne démérite pas d’ingéniosité.
Esprit libre, corps offert au public, Boris Charmatz présente son solo Somnole, une œuvre rare et poétique où l’artiste cède la place à l’homme dans une mise à nu hypnotique. En parallèle, Chloé Dabert, la directrice de la Comédie de Reims, présente sa dernière création Rapt, un thriller signé par une certaine Lucie Boisdamour – un nom qui fleure bon le pseudo – , où les certitudes volent en éclats. Pour finir, Tamara Al Saadi touche au cœur avec Partie, un seul-en-scène poignant qui éclaire, à travers un échange épistolaire, l’horreur des tranchées, de la Première Guerre, ainsi que les mécanismes d’endoctrinement patriotique. Autant dire qu’il y en a pour tous et pour toutes, alors n’hésitez pas, franchissez le pas et entrez sans préjugé au 5 rue Curial.
Les Singulier.es. au CentQuatre-Paris, du 18 janvier au 25 février, retrouvez le programme complet ici