« Les attitudes des neo-féministes face aux horreurs commises sur les Israéliennes par le Hamas les déconsidèrent définitivement »  

Midi, l’heure du champagne pour les personnes de bonne compagnie. À l’hôtel des Saints-Pères, à un « pop » de bouchon de Grasset, son éditeur, Abnousse Shalmani trinque avec moi à la santé du plaisir libertin si vilipendé aujourd’hui par les pères-la-morale et les mères fouettardes de l’islamisme et du gauchisme. J’ai péché, péché dans le plaisir, le nouveau livre de la chroniqueuse de LCI et de l’Express est un hymne romanesque à la chair vive et brûlante, qu’appelaient sans cesse Marie de Régnier et son double à la mode persane, la poétesse Forough Farrokhzad (1934-1967) dont « on psalmodie toujours les vers en Iran comme s’il s’agissait de prières ». Deux femmes ouvrant leurs lits comme on se fraie un chemin dans la jungle hostile des interdits. Marie accepte d’épouser l’ingrat poète Henri de Régnier transi d’amour pour elle à la condition que celui-ci ne l’approche pas. Marie n’a alors les yeux que pour son amant l’écrivain Pierre Louÿs, fornicateur fou, mais qu’importe c’est lui qu’elle aime au point de lui faire un enfant que le mari cocu reconnaît. Pour faire bonne mesure, Pierre Louÿs épouse une des deux sœurs, fade, de Marie, cependant que sa maîtresse multiplie les conquêtes des deux sexes. « Quant à Forough Farrokhzad, à 21 ans seulement, avec son premier recueil, celle-ci fait descendre l’amour et le sexe des nuages jusque dans un lit, c’était révolutionnaire. Ça fait scandale mais les Iraniens l’ont adoré tout de suite. En cassant l’aspect divin de l’amour, elles les autorisaient à aimer en chair. Forough incarne le plaisir féminin en majesté en leur disant en vers : mes sœurs, n’ayez pas peur de baiser !».  Grande lectrice de Sade qu’elle a lu comme un exutoire après les attentats contre Charlie Hebdo, Abnousse a en horreur la tendance wokiste d’aseptiser la littérature à coups de bons sentiments et de revendications pleurnichardes. La vraie littérature se doit d’être subversive. « Une littérature empêchée donne des humains monstrueux. Nous avons tous en nous une forme de mal. Rares sont les psychopathes lecteurs des Cent vingt jours de Sodome. Marie et Forough vivaient à des époques encore difficiles pour les femmes. Pourtant, elles ont toujours refusé de se positionner en victimes mais en femmes souveraines de leurs désirs. Ce sont des bombes qui tournent en ridicule notre époque de grands gémissements au sujet de l’orgasme ! En affirmant que le sexe est corrupteur, les néo féministes sont telles les barbus à turbans de Téhéran et des bourgeois misogynes du XIXe siècle. Au contraire de beaucoup de jeunes femmes actuelles, Marie et Forough avaient fait de leur sexualité une force, et non pas une honte. On ne libère pas la tête sans libérer le corps. Le néo féminisme a capitulé sur le corps ». Ayant fui à huit ans en famille l’Iran des mollahs, ce pays-terreur où l’abaya et le voile ne sont pas des joyeux concepts de « luttes intersectionnelles », Abnousse écarquille ses beaux yeux sombres lorsqu’elle découvre, toute jeune, le manque d’empathie pour des raisons idéologiques, des féministes occidentales à l’encontre de ses millions de « sœurs » en souffrance.  Elle les comprend mieux aujourd’hui : « Il y a chez elles une cohérence car considérer le voile comme une forme de libération rend problématique le soutien aux femmes qui les brûlent. Les attitudes des neo-féministes face aux horreurs commises sur les Israéliennes par le Hamas les déconsidèrent définitivement ». Abnousse ou le péché de vivre et de le crier haut et fort.

J’ai péché, j’ai péché dans le plaisir, d’Abnousse Shalmani, éditions Grasset, 198p., 19€, plus d’informations