Vous la connaissez sans doute : Judith Rosmair tenait un des rôles principaux de Tous des oiseaux, la pièce de Wajdi Mouawad. L’actrice allemande qui joua avec Thomas Ostermeier, Ivo Van Hove ou Falk Richter, est aussi autrice et metteure en scène. Elle présente aujourd’hui Curtain Call !, dans laquelle elle incarne seule sur scène, une actrice à la veille de la première d’Anna Karénine, livrée à l’insomnie, et au souvenir de sa mère, disparue alors qu’elle était enfant. Rencontre avec la comédienne, à quelques semaines de sa venue à Paris. 

Nourrissiez-vous depuis longtemps une fascination pour le personnage d’Anna Karénine ? 

J’avais la bonne vingtaine quand j’ai lu Anna Karénine pour la première fois : j’ai été bouleversée par la modernité́ de Tolstoï. La première phrase m’a envoutée : « Toutes les familles heureuses se ressemblent, toute famille malheureuse est malheureuse à sa façon. » Tolstoï raconte la folie d’Anna et son suicide comme un « flux de conscience », comme une voix intérieure, qui associe librement. C’est toute simplement grandiose. C’e qui m’a intéressée c’est de voir ce qui arrive à une comédienne qui ne veux surtout pas jouer ce premier rôle magnifique. 

C’est aussi le récit d’une mère disparue trop tôt, qui est reconvoquée par sa fille, par le biais d’un journal intime. S’agit-il de votre histoire ? 

CURTAIN CALL! est une autofiction. Je mélange des évènements que j’ai vécus avec des histoires inventées. Malheureusement, ma mère ne m’a pas laissée de journal intime… Je donnerai tout pour pouvoir le lire. 

C’est aussi une pièce sur l’insomnie, une opportunité, selon vous, de plonger dans sa mémoire ? 

 Non, l’insomnie est une chose grave qui hélas nous mène plus souvent à l’oubli, qu’à la mémoire. N’oubliez pas, qu’Anna Karénine est insomniaque, comme mon personnage, ce qui contribue à la rendre folle. 

La musique joue un rôle essentiel dans votre mise en scène, y avez-vous réfléchi lors de l’écriture de la pièce ? 

Oui, car la musique c’est comme l’âme de l’histoire. Elle raconte tout ce qu’on ne peut pas dire avec des mots. Le compositeur Uwe Dierksen a écrit une bande sonore magnifique pour ma pièce. 

Il y a évidemment la question du deuil au centre de votre pièce. Croyez-vous que le théâtre puisse apaiser la douleur de la disparition ? 

Oui, je crois que le théâtre peut nous rendre plus ouvert et peut nous guérir. Aussi et surtout par le rire commun. Comme le disait Peter Brook : « Nothing in theatre has any meaning before or after. Meaning is now. » ( Rien n’a de sens au théâtre avant ou après la représentation. Le sens se joue maintenant. »)

Curtain Call !, de et par Judith Rosmair, Théâtre de la Colline, du 9 au 21 janvier , plus d’informations