Somptueux oratorio de Mendelssohn, Elias est présenté à l’Opéra de Lyon dans une mise en scène de Calixto Bieito proposant une lecture contemporaine de cet épisode biblique. 

Issu d’une brillante famille juive allemande assimilée, Felix Mendelssohn fut surdoué, enfant précocement doué pour la musique qui, tout au long de sa courte vie qui s’achève à 38 ans, fut tiraillé par des contradictions insolubles. Comment continuer à composer et jouer de la musique après des débuts si fulgurants ? Comment concilier romantisme et classicisme, judaïsme et protestantisme auquel il s’est converti ? Comment s’affirmer avec un grand-père aussi brillant que Moses Mendelssohn, grand philosophe de l’Aufklärung – les Lumières allemandes – et un oncle par alliance qui s’appelle Friedrich Schlegel ? Comment s’émanciper de Fanny, grande sœur si brillante, et comment composer juste après l’écrasant passage de Beethoven dont le génie a terrassé toute l’Europe musicale ? Dans cet univers prestigieux, l’enfant prodige étudie aussi la philosophie avec Hegel et nourrit une relation filiale avec Goethe. Mendelssohn va confirmer ses talents et devenir l’un des compositeurs les plus admirés d’Europe. Il va concilier avec un raffinement virtuose une inspiration romantique avec l’influence baroque de Bach et Haendel, notamment dans son oratorio Paulus qui rencontre un grand succès. En 1846, un an avant sa mort, il crée pour le festival de Birmingham, puis pour Londres, un nouvel oratorio biblique en anglais, Elias, avant d’en réaliser une version allemande à Bonn. L’œuvre triomphe et sera considérée comme son chef-d’œuvre, notamment par Berlioz qui le trouve « magnifiquement grand et d’une somptuosité harmonique indescriptible ».  

S’inspirant du Livre des Rois, Mendelssohn et son librettiste Julius Schubring conçoivent une narration théâtralisée de la lutte du prophète Elie contre le roi impie d’Israël Achab qui, avec son peuple, se détourne de Dieu pour adorer Baal, le dieu de son épouse Jézabel. Majesté divine et malédictions, affrontement entre les prêtres de Baal et Elie pour faire advenir le feu divin du sacrifice, miracle de la pluie signe du pardon de Dieu qui vient abolir la sécheresse, solitude du prophète, tous ces éléments épiques sont assemblés avec finesse par le compositeur qui se projette dans la figure d’Elie, le visionnaire appelé à disparaître. « Je me représente Élie comme un vrai prophète, comme il nous en faudrait un de nos jours, puissant et fervent, mais aussi volontiers courroucé et ombrageux, opposé au ramassis de courtisans et de canailles et presque au monde entier, et pourtant soutenu par les ailes des anges », confiera-t-il. La diversité flamboyante des tableaux lyriques renoue avec la luxuriance d’Haendel dans cette action scénique du retour à la foi des Hébreux. Calixto Bieito caractérise ce peuple qui se cherche par une foule d’aujourd’hui dans ce spectacle créé à Vienne en 2019 avant de venir aujourd’hui à Lyon. Le metteur en scène espagnol, qui a donné en juillet dernier pour la scène un oratorio de Haendel, utilise ici le carton tant dans les décors que pour les ailes géantes de l’Ange. Avec ce dispositif où les signes font sens à chaque instant, l’artifice aspire au céleste. 

Elias de Felix Mendelssohn, direction musicale Constantin Trinks, mise en scène Calixto Bieito, Opéra de Lyon, du 17 décembre au 1er Janvier . Plus d’informations