Dans le cadre de la Biennale internationale de marionnettes de Charleville-Mézières, la jeune metteure en scène et marionnettiste, Ygvind Aspeli, nommée directrice depuis un peu plus d’une saison au Nordland Visual Theatre – Figurteatret i Nordland à Stamsund sur les îles Lofoten, s’attaque à un monument du théâtre norvégien, Une maison de poupée d’Ibsen. Rencontre sur les îles qui inspirent cette nouvelle figure incontournable de la scène européenne.

Comment êtes-vous venue à la marionnette ? 

D’une envie, tout simplement. Venant d’une famille de grands lecteurs, la littérature a toujours été présente, mais ce n’était pas suffisant, j’avais besoin de créer et de donner vie aux personnages de roman. Je crois que dès qu’est né en moi le désir de faire de l’art vivant, il y avait cette idée que je ne pourrais trouver ma voie qu’en combinant théâtre, art visuel et art plastique. Cette hybridation de pratiques réunit au plateau un grand nombre d’ingrédients et d’éléments permettant une narration « augmentée », complexe et multiple. 

Après plusieurs années en France, vous revenez en Norvège et l’un des premiers spectacles que vous montez est un solo d’après Une maison de poupée d’Ibsen. Pourquoi revenir à ce qui est certainement l’une des pièces les plus emblématiques du répertoire norvégien ? 

Je me demande parfois ce qui m’est bien passé par la tête. Alors que ces dernières années, j’ai surtout adapté des romans comme Moby Dick d’Herman Melville ou Dracula de Bram Stoker, que j’ai pu présenter cet été à Avignon. Je marche beaucoup à l’émotion, à l’instinct. Pour Ibsen, je crois qu’en revenant dans mon pays natal, j’ai eu besoin de me confronter à mes propres démons nationaux. L’œuvre est certes jouée dans le monde entier, mais les Norvégiens la perçoivent différemment. C’est pour eux un classique tout simplement. Il n’y a pas tout le poids que peuvent y mettre les Français notamment. En relisant la pièce, j’ai été touchée par l’histoire de Nora qui traverse nombre de thématiques qui m’intéressent. J’ai trouvé qu’il y avait dans l’écriture d’Ibsen un endroit où la marionnette, par son langage singulier qui permet d’aller au-delà du texte, donne une vision peut-être plus intérieure à cette femme, qui s’émancipe du carcan patriarcal et marital. 

Comment avez-vous travaillé ? 

C’est un vrai défi, car la marionnette ne peut pas porter le texte de la même manière qu’un acteur. Il a donc fallu passer par tout un travail d’adaptation et de réécriture. Ce qui n’est pas simple car l’écriture d’Ibsen est très forte. Par ailleurs, c’est un solo dans lequel je suis en permanence en dialogue avec les marionnettes. Avec mon équipe, nous avons donc fait un vrai travail d’orfèvre pour garder l’essence même de l’œuvre tout en lui donnant une autre dimension. C’est passionnant. En tout cas, ça été une expérience incroyable, j’ai hâte maintenant de le présenter, de me confronter aux spectateurs. Le faire à Charleville-Mézières est d’autant plus important pour moi que j’y ai fait mes études. C’est un autre retour aux sources de l’artiste que je suis. 

Une maison de poupée d’Henrik Ibsen.

Mise en scène d’Yngvild Aspeli.

Les 16 et 17 septembre à Charleville-Mézières, plus d’informations