Du 15 au 29 juin, le Festival des cultures juives disséminera dans Paris les mille reflets voyageurs des savoirs, des arts, des pratiques et des avatars historiques d’une culture foisonnante. Qui s’envisage, à l’occasion de cette édition, sous l’invocation des « itinérances ». On fait halte un instant avec sa programmatrice, Fabienne Cohen-Salmon.

La culture juive est bien entendu marquée au coin du déplacement, du mouvement, souvent dramatiques. A quels motifs répondait le choix de l’intitulé de cette édition, « itinérances » ?

Il s’agit de montrer le foisonnement à travers les âges et les territoires des cultures juives, qui se sont nourries ce qu’elles ont côtoyé au gré de leurs histoires complexes : je pense à la culture juive d’Europe de l’Est, à la culture judéo-espagnole. Nous voulions montrer un panorama très large, en nous intéressant à des parties du monde auxquelles on ne songe pas forcément : les juifs d’Azerbaïdjan, les tribus perdues d’Afrique subsaharienne, tout cela en gardant une attache avec la culture yiddish, les Balkans, mais aussi les traditions judéo-espagnole ou encore judéo-arabe, témoin le concert d’ouverture, assuré par l’Orchestre arabo-andalou de Fès et Emile Zrihan. C’est un voyage dans le temps et le monde que nous proposons avec ces « itinérances », à la découverte des spécificités de ces cultures, mais aussi de leur universalité. Nous pouvons tous nous y reconnaître, y trouver un écho à notre propre histoire. Ainsi, proposer à la Maison de Victor Hugo des lectures accompagnées à la clarinette klezmer, c’est une façon de redécouvrir Hugo et son histoire, et de montrer combien sa vie fait écho aux cultures juives, même si, bien entendu, il n’était pas juif.

Voyage dans le temps, disiez-vous : le volet musical du festival, avec par exemple Noëmi Waysfeld ou NeoKlez, fond tradition et approches contemporaines…

On constate depuis dix, quinze ans une ébullition créative autour de la redécouverte de cet héritage culturel et sa réappropriation par de jeunes musiciens, sur la scène française comme à l’international. Ainsi Noëmi Waysfeld, qui est une des représentantes de la scène yiddish en France, a su renouveler cette tradition en lui étant extrêmement fidèle. Mais, parallèlement, des groupes comme NeoKlez, Nomad ou encore Kalistrio font preuve d’une imagination débordante et, tout en puisant dans le folklore, l’accompagnent de formes plus contemporaines, en s’inscrivant dans des styles tout à fait différents : jazz, drum’n’bass, rock, musique électronique…

Nous parlions de musique yiddish – et le festival met souvent l’accent sur des formes populaires de la culture juive…Les cultures juives sont populaires par essence. Elles se sont créées dans la rue. En Europe de l’Est, les premiers musiciens qui participaient aux mariages juifs étaient des troubadours, venus de la rue. N’oublions pas non plus que ces cultures se sont transmises oralement, qu’il s’agisse de la musique, du chant, voire de la Bible. Cet aspect était essentiel à nos yeux, car ce qui fait ciment, ce qui permet de vivre ensemble, c’est le caractère populaire. Nous tenions à ce que ce festival soit tout sauf élitiste, au sens où il propose une programmation de très haut niveau, de très grande qualité, mais ouverte à tous, et ce à tous points de vue, des tarifs à la programmation extrêmement variée, pluridisciplinaire, où l’on trouve concerts, conférences, expositions… 

Festival des cultures juives, Paris, du 15 au 29 juin