C’est donc Olivier Py qui va reprendre la direction du Châtelet. Une bonne nouvelle pour la musique, Transfuge s’en réjouit.
Et voici l’annonce faite, non à Marie mais à Olivier. Surprise, indignation, applaudissements, couteaux tirés, l’habituel arsenal a été sorti. Normal, l’avenir du Châtelet, le si cher théâtre musical parisien, la scène qui a vu passer Richard Strauss, Luis Mariano, Njinski ou Jessye Norman, ne peut laisser indifférent.
Alors, Py ? Oui, Py. Pour l’avoir mis deux fois en couv de Transfuge, nous disons oui. L’un des metteurs en scène les plus virtuoses de l’opéra contemporain à la tête du Châtelet, nous disons Oui. Celui qui peut monter une Manon strass et interlope, taillée dans la fantaisie de son égérie Patricia Petibon, puis inventer une chambre à coucher bergmanienne pour Thierry Escaich dans une relecture inversée de La Voix Humaine, signer un Dialogue des carmélites devenu référence, avant de s’atteler à Stravinski au Théâtre des Champs-Elysées, et à une Madame Butterfly, à Athènes, dont on attend beaucoup. Bref, de la petite forme aux orgues pucciniennes, Py dérive d’un bord à l’autre de l’opéra. Nous osons croire que c’est une bonne nouvelle pour une maison musicale, d’avoir à sa tête un artiste qui connaît intrinsèquement les enjeux d’un art si complexe et à multiples enjeux qu’est l’opéra. Mais ce n’est pas la seule raison : dans sa programmation à Avignon, Py a défendu la forme musicale dans toute sa variété. Un exemple : il a fait venir deux fois l’un des metteurs en scène les plus fous du moment, le chinois Cheng Jinghui. Sur un plateau traversé d’acteurs, de danseurs, de chanteurs, il nous menait dans des contrées entre vie et mort, Shakespeare et Punk, absolument sidérantes. Hué par une partie, adoré par l’autre, Jinghui est de ces artistes qui permettent encore de faire naître bruit et fureur. Voilà par exemple ce qui pourrait être un beau geste pour ouvrir le Châtelet : Cheng Jinghui, et sa folie baroque. Ou peut-être Py inaugurera-t-il le Châtelet en Miss Knife, qu’il faisait monter sur scène avec les Dakh Daughters, groupe punk ukrainien, lors du dernier festival d’Avignon, en un geste symbolique fort envers l’Ukraine ? Ou par un opéra français, un petit bijou d’Offenbach ou Mayerbeer ? Je ne sais pas, mais je sais que nous serons dans un des lieux de Py : le grandiose, l’ambivalent, le baroque, l’interlope, le cosmopolite, le démesuré, le mauvais goût, le cabaret, le politique…Il y a tout cela dans le Py musical, dans le Py du Châtelet.
Mais soudain, Alice Coffin, vigilante comme il se doit à l’avenir de l’art, s’exprime contre cette nomination pour la raison suivante : Olivier Py est un homme. Et nous voilà sur le point d’effacer cette chronique. Car avant qu’Alice Coffin ne nous l’indique, nous avions oublié le genre de Py. Peut-être est-ce d’avoir trop souvent applaudi Miss Knife qui nous avait brouillé l’esprit. Mais dieu merci, nous voilà dessillés. Olivier Py est un homme. C’est un scandale. Oubliez ce que je viens d’écrire sur les promesses musicales pour le Théâtre du Châtelet. Oubliez les enjeux artistiques du théâtre parisien. Oubliez même la musique. Olivier Py est un homme. Et dire que nous allions nous réjouir de cette nomination, comme nous l’avons fait le mois dernier lors de la nomination de Caroline Guiela Nguyen au TNS, que Transfuge a aussi mise en couverture ! Comment avons-nous pu nous égarer à ce point ? Un dernier mot, contre ce qui a été écrit ici et là : le Châtelet n’était pas en totale déshérence ces trois dernières années. Certes, il y eut l’échec de Dau, dont la russophilie et le gigantisme nous avaient laissés froids. Mais il y eut aussi des expériences comme la semaine prochaine, le virtuose Sybil de Kentridge, nouvelle création programmée par le théâtre de la Ville, et qui promet d’enchanter la salle à l’italienne d’un Châtelet soudain si convoitée. Bon, William Kentridge est un homme, c’est délicat de poursuivre, mais un conseil, en vous concentrant bien, en chassant de votre esprit le piaillement des tweets, vous réussirez à entendre la musique.