Avec Les portes du possible, le Centre Pompidou-Metz propose une exposition chorale passionnante rassemblant une multiplicité de formes plastiques et littéraires inspirantes pour penser le monde et son évolution. 

L’homme qui s’est envolé dans l’espace depuis son appartement. Une chambre vétuste, cellulaire, un trou béant au plafond, la possibilité de s’en extraire par l’imagination. L’exposition du Centre Pompidou-Metz s’ouvre sur cette installation de l’artiste russe Illya Kabakov. Elle annonce le propos sous-jacent des Portes du possible. Penser le présent et ses travers pour construire des issues de secours. Les artistes invités s’emparent de la puissance réflexive de la science-fiction pour représenter d’autres mondes possibles. 200 œuvres dessinent ces potentialités, réunies autour de thématiques liées à la ville, au corps, à la nature et à l’histoire. Chaque ouverture de session est elle-même introduite par une bibliothèque de références composée de livres emblématiques de ce genre littéraire longtemps dévalorisé, ceux notamment de Huxley, Asimov, Orwell, Ballard, Dick, Banks, Damasio et Atwood. Puis viennent les œuvres, sculptures, peintures, vidéos, installations qui parasitent les cimaises blanches déchiquetées tandis que le sol laisse parfois apparaître les artères du musée où se mêlent grilles en acier, gaines en plastiques et fils électriques. En ruine ou en construction, l’exposition se situe dans un entre deux, entre le présent et le futur, la réalité et la fiction, la dystopie et l’utopie. Des paysages apparaissent. Celui de la ville et ses plans urbanistiques qui dessinent des pensées, telle l’architecture brutaliste des maquettes de Nicolas Moulin. Jusqu’à ce que l’homme prenne conscience de l’impact d’un capitalisme débridé, comme le dépeint Gordon Cheung dans son collage Masterplan. Alors les cités modernes émergent de paysages bucoliques dans les eaux-fortes de Cyprien Gaillard et d’autres urbanismes peuvent être envisagés, tel que le représente sur son papier peint le studio Wai Architecture Think Tank ou Stéphane Malka et ses espaces de contestations nichés dans la Grande Arche de la Défense. L’exposition explore ensuite nos corps exploités par ceux qui se nourrissent de nos big data ou maltraités. Les anatomies réagissent, mutent. Zsofia Keresztes sculpte des créatures anthropomorphiques, liquéfiées, sensuelles, pixelisées. Neri Oxman fait se rencontrer la carapace d’insecte et la colonne vertébrale dans son interprétation de Kafka. Marguerite Humeau crée des animaux marins connectés pour réanimer leurs morts. Les hybridations hommes natures sont aussi envisagées, tels les corps végétaux de Wangechi Mutu et de Rina Banerjee, ou la tête minérale de David Altmejd. Au troisième étage du musée, les afrofuturistes offrent leurs regards sur l’histoire écrite par les vainqueurs, pour s’en émanciper, telle la majestueuse princesse pourpre de Mary Sibande qui puise sa force de ses racines. Tandis que Jeanette Ehlers filme des enfants haïtiens disparaissant dans l’immensité de la mer, leur visage se transformant en boulet de canon, allégorie de la révolution haïtienne de 1791. La science-fiction comme moyen de penser l’insurrection. 

Les portes du possible, art et science-fiction. Centre Pompidou-Metz. Jusqu’au 10 avril 2023

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