Film de la Berlinale, Juste une nuit est un film magnifique, odyssée d’une mère dans un Iran dangereux.
Une journée dans la vie d’une femme, une jeune femme iranienne qui court après un endroit où confier son bien le plus précieux, le temps d’une nuit, une seule nuit : son bébé. Le parti pris du cinéaste, Ali Asgari, dans ce Until Tomorrow — traduit en français par Juste une nuit — est net, tranché, il suit pas à pas, caméra à l’épaule, son personnage, Fereshteh (Sadaf Asgari), dans son impossible quête. De dos, de face, de profil, il filme sa course contre la montre. Ses parents doivent venir à Téhéran, ils vivent loin, ne savent rien de la situation de mère célibataire de leur fille. C’est si petit un bébé, ça se cache facilement dans un sac de sport et pourtant ce sont des valises entières qu’il faut remplir pour vider l’appartement des affaires de la petite. La mise en scène du cinéaste s’attache à la conquête de l’espace et du temps, l’étendue à parcourir le temps d’une journée pour confier son nouveau-né à des inconnus. La situation absurde dans laquelle Fereshteh se retrouve piégée vis-à-vis de sa famille, le poids du secret, de la tradition et de la morale de son pays la conduit à mener une lutte acharnée, à réaffirmer la maîtrise de son corps, à contourner force embûches, contretemps et obstacles qui viennent s’opposer au plan qu’elle a élaboré afin de trouver un refuge pour son enfant. Son amie avocate se fait arrêter, d’autres connaissances se rétractent, son ex-petit ami, qui l’avait suppliée d’avorter, l’entraîne malgré lui dans un nouveau traquenard. Humiliations et menaces s’accumulent et se referment tel un étau autour de la jeune fille-mère. Fereshteh n’est pourtant pas tout à fait seule, son amie, Atefeh (Ghazal Shojaei), l’accompagne dans cette odyssée en forme d’impasse. Toutes les portes se referment et l’espace se resserre peu à peu sur les deux jeunes femmes telle une souricière. Comme dans ce plan séquence qui suit les deux amies dans le sous-sol de l’hôpital où elles croyaient trouver un refuge. Les issues sont barrées de tous côtés et elles s’enfoncent dans la lingerie pour échapper à ceux qui les traquent. Les filles se cachent, s’échappent, fuient les propositions malhonnêtes de l’un pour se retrouver coincées ailleurs, elles tombent de Charybde en Scylla. Leurs abris de fortune se révèlent être de nouvelles prisons. Le film atteint un point limite au moment où l’on se demande ce que cette jeune mère va bien pouvoir inventer pour escamoter ce bébé si encombrant, un bébé qu’elle fait taire à coups de sirop pour dormir. Dans un monde gris acier où la seule touche de couleur c’est ce baby gros rose de gamine endormie tout contre sa mère, la vie reprend le dessus. Cette traversée mouvementée de Téhéran, dans lequel les filles ne cessent de cheminer de part en part, passant d’un bus à un taxi, d’une ambulance à un scooter, autant de véhicules qui rythment cette folle équipée dans une ville qui ouvre des trouées d’espoir pour les éteindre aussitôt, le salut et l’apaisement surviennent malgré tout. La fin s’étale dans un long silence, celui du prix à payer pour s’évader du carcan sociétal.
Juste une nuit de Ali Asgari (Iran), avec Sadaf Asgari et Ghazal Shojaei. Bodega Films. Sortie le 16 novembre.
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