Le metteur en scène Heiner Goebbels met en scène pour le Festival d’Automne au Châtelet, Liberté d’action, plongée dans l’univers du mystérieux poète. 

Henri Michaux n’est pas un nouveau venu dans la création d’Heiner Goebbels. Il y a vingt ans son opéra, Paysage avec parents éloignés, s’inspirait, entre autres, des écrits et des peintures d’artistes aussi différents que Nicolas Poussin, Léonard de Vinci et Henri Michaux. En revanche avec Liberté d’action, présenté cet automne au théâtre du Châtelet, c’est la première fois que le compositeur aborde spécifiquement l’univers du poète. Passionné par son approche de l’écriture comme de la peinture et des arts visuels, Heiner Goebbels a hésité longtemps avant d’aborder de front un matériau aussi vaste. « Son univers est si intense et si intime, il me fallait beaucoup de concentration et presque d’isolement pour m’atteler à un tel projet. Soudain avec la pandémie de covid et le confinement, j’ai disposé du temps nécessaire. » C’est sur les conseils des chorégraphes Amanda Miller et Mathilde Monnier que Heiner Goebbels a découvert l’œuvre de Michaux dans les années 1990. « Cela n’a rien d’étonnant car ses réalisations artistiques qu’il s’agit de textes ou de dessins ont un caractère gestuel. Il y est toujours question des mouvements et des rythmes ayant présidé à leur production. Et ces œuvres, à leur tour, provoquent des gestes et des mouvements. » Pour le compositeur ce processus inspirant, libérateur est un stimulant fécond. D’autant qu’il ressent une forte affinité avec le goût de Michaux pour l’expérimentation. « J’aime avant tout sa musicalité et le risque qu’il prend en jetant, par exemple, de l’encre de Chine ou des mots sur du papier pour être ensuite surpris lui-même par la multitude des sens possibles qu’ils peuvent offrir. En le lisant comme en regardant ses œuvres plastiques, on est confronté au processus de création. Au début, je n’étais pas conscient de son importance dans le domaine des arts visuels ni de la variété formelle de ses écrits : aphorismes, poèmes, nouvelles, essais, ethnographie, journaux, voyages imaginaires… Il y a peu, j’ai découvert qu’il se passionnait pour l’improvisation au piano. L’ayant su je n’aurais pas osé composer une musique entièrement basée sur mes propres improvisations au piano pour Liberté d’action. Déjà tenter de reproduire ces œuvres musicales de Michaux aurait été criminel. J’espère trouver un jour un de ses enregistrements – quoiqu’ils semblent avoir été détruits à sa demande. » Le spectacle est interprété par l’acteur David Bennent avec lequel Heiner Goebbels a enregistré quantité de textes de Michaux. « C’est Heiner Müller qui m’avait recommandé David Bennent. Nous travaillons ensemble depuis 1987. J’aime sa voix parce qu’elle n’assigne pas un sens spécifique aux mots qu’ils énoncent. Il laisse toujours le sens ouvert ». L’acteur partage la scène avec les pianistes Ueli Wiget et Hermann Kretzschmar de l’Ensemble Modern. Ensemble qu’on retrouvera à Strasbourg dans le cadre du festival Musica pour une reprise de Schwarz auf weiß, créée en 1996, où l’on entend notamment un enregistrement de la voix d’Heiner Müller qui fut un ami proche du compositeur. Occasion de l’interroger sur ce qu’il pense de l’héritage du dramaturge aujourd’hui. « La qualité de ses spectacles tenait à leur refus radical de toute simplification et psychologisation – que ce soit par une expressivité et un ton dramatique trompeurs dans la voix des acteurs ou par une mise scène inutilement illustrative. Il écrivait contre le théâtre tel qu’il était et tel qu’il est souvent encore aujourd’hui ».

Liberté d’action, d’après Henri Michaux, musique, scénographie et mise en scène Heiner Goebbels, théâtre du Châtelet, le 28 septembre. Dans le cadre du Festival d’Automne.