George Miller signe un grand hymne à l’amour avec son dernier film, Trois mille ans à t’attendre. Fabuleux.

Après la série des Mad Max à la mise en scène virtuose et avant la suite prévue pour l’an prochain, George Miller revient au conte. Les Sorcières d’Eastwick en 1987 nous avait déjà régalé d’effets visuels variés, avec une caméra aérienne et virevoltante venue capturer dans ses rets le diabolique Nicholson entouré de ses humaines succubes, rousse (Sarandon), blonde (Pfeiffer) et brune (Cher). Adapté du truculent roman de John Updike, le film à la magie fantasque tenait toutes ses promesses. Avec Trois mille ans à t’attendre, le cinéaste australien adapte cette fois une longue nouvelle de l’anglaise A.S. Byatt, une nouvelle aux notes orientales intitulée Le Djinn dans l’œil du rossignol, et là encore sa mise en scène fait mouche. Nouvelle Shéhérazade asséchée par la solitude et l’oubli aux tréfonds du réel, Tilda Swinton interprète Alithea, une écrivaine britannique assaillie par ses rêves de mille et une nuits. Ses conférences doivent apporter une voix rationnelle aux pays des djinns, des songes et des mages. Les mythes n’ont plus court, la science a expliqué l’origine de toutes ces créations de l’esprit. Dans un bazar, elle acquiert un flacon de verroterie soufflé dans le sang. À l’hôtel, devant le miroir de sa luxueuse salle de bain immaculée, elle frotte les particules fuligineuses au-dessus du marbre blanc et le verre lapis lazuli se brise. Alors, dans un nuage scintillant de mille feux, un géant génie apparaît. Idris Elba porte pour l’occasion des oreilles pointues, rétrécit et disparaît, partage des douceurs du palais avec celle qui détient le pouvoir de le libérer à coups de vœux : trois, elle connaît la chanson, aussi bien que nous, spectateur. Mais avant de sceller son sort, et puisque de « fameux plus grand désir au monde » elle n’a cure, elle lui demande de raconter par le menu la foule des erreurs qui l’ont conduit dans ce flacon. Par trois fois, il s’est retrouvé enfermé, par trois fois l’amour, ou plus précisément une femme, en était la cause. Comment l’amour peut-il être une erreur, s’interroge-t-il tout haut ? Et c’est la noblesse de ce film de redonner ses pleins pouvoirs à l’amour, celui qui aliène les corps et les esprits de sa toute-puissance, celui qui peut vaincre le temps et la mort comme dans les contes des Mille et une nuitsOnly Lovers Left Alive semble susurrer la fougueuse Tilda qui n’a plus qu’un souhait à l’écoute des folles merveilles engendrées par l’amour : aimer et être aimée en retour. Dans la bouche du djinn Elba, Tilda voyage. Nul tapis persan à l’horizon, juste l’art du récit convoqué, réclamé pour encadrer une histoire d’amour aussi démesurée que celle du génie dans sa forme originelle, une histoire d’amour aussi fabuleuse que la rencontre de ces corps contraires, si étrangers, une histoire d’amour qui emporte tout sur son passage. Et la force de ce film réside dans sa conviction que le cinéma a toujours, encore, besoin d’histoires. C’est aussi ces nombreuses histoires enchâssées qui éloignent de nous la fin, et nous aident à conjurer, même pour un temps, la solitude, l’ennui et la mort.

Trois mille ans à t’attendre de George Miller, Metropolitan Film, 24 août

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