Chef-d’œuvre d’Offenbach, La Périchole est reprise à Favart dans une mise en scène de Valérie Lesort, avec Stéphanie d’Oustrac dans le rôle-titre. Promesse de rires et de grandiose.
Jacques Offenbach était un stakhanoviste de la note, un forçat de l’humour musical. Au sommet de sa vertigineuse fécondité, il enquillait les (chefs d’) œuvres avec une virtuosité sidérante, tout en travaillant aux refontes de ses précédents opus, à leur exportation dans toutes les scènes du globe, et à la demi-douzaine de théâtres qu’il gérait dans Paris. Un surhomme !
La Périchole compte parmi les pièces majeures du musicien franco-rhénan. Sur un corpus impressionnant de près de 600 opus, cet opéra-bouffe n’a, à l’instar de La Belle Hélène, Orphée, La Grand Duchesse et bien entendu Les Contes d’Hoffmann, jamais connu de véritable éclipse. C’est que cette Péricholeest un modèle de construction dramatique, de subtilité musicale et de structure théâtrale.
Inspirée du Carrosse du St Sacrement, une comédie écrite par Mérimée sous la Restauration (qui soufflera à Jean Renoir son Carrosse d’Or…) elle raconte les amours authentiques du vice-roi du Pérou pour une comédienne de rue, qui va le mener par le bout du nez. Pour Offenbach et ses librettistes Meilhac et Halévy, c’est évidemment l’occasion d’une satire (mesurée) de la vanité des puissants, leur lubricité, et le prétexte à de merveilleuses espagnolades comme on les goûtait sous le Second Empire (l’impératrice Eugénie y voyant là un hommage à ses racines ibériques). D’une manière plus générale, cette Périchole permet au compositeur d’opérer une synthèse fort subtile entre sa veine bouffe, cocasse, éruptive, et cette inspiration plus sérieuse qu’il a régulièrement développée dans des œuvres toutes amenées à faire des flops, car le public ne pouvait admettre que son clown favori eut le goût des larmes. Ici, le rire se fane, l’humour tourne à la grimace, et c’est tout le prix de cet opéra-bouffe qui, sans se prendre au sérieux, gagne une humanité, une profondeur rarement atteinte dans les œuvres précédentes. Le public de 1868 est d’ailleurs surpris, qui offre un triomphe plus relatif à cette œuvre (laquelle reste toutefois étourdissante de joie et de drôlerie). Sa refonte, en 1874, permettra de la redécouvrir, plus étoffée, plus ample, et c’est désormais cette version en trois actes qui sera employée ; témoin : cette nouvelle production que nous offre l’opéra-comique du 15 au 25 mai prochain.
Voilà bien un spectacle qui promet de danser sur le double fil du rire et de l’émotion.
Stéphanie d’Oustrac est l’une de nos meilleures Périchole, car elle en possède la vis comica tout en n’oubliant pas qu’elle a été une Médée et une formidable Cassandre. Aux côtés de la mezzo française, le Piquillo de Philippe Talbot et le vice-roi de Tassis Christoyannis devraient, eux-aussi, être au diapason de cette farce profonde. Gageons que la comédienne et plasticienne Valérie Lesort, à qui l’on doit quelques vraies pépites théâtrales avec son complice Christian Hecq (20 000 lieues sous les mers, Le Domino noir, Ercole amante…) saura elle-aussi trouver ce juste milieu.
Pour faire un Chardonnisme : « Offenbach, c’est beaucoup qu’Offenbach ». La Périchole en a toujours été la preuve.
La Périchole, Jacques Offenbach, direction musicale de Julien Leroy et mise en scène de Valérie Lesort, Opéra Comique, du 15 au 25 mai