Le très festif Queen Blood est un manifeste chorégraphique, où le regretté Ousmane Sy invite sept danseuses house à s’exprimer sans vergogne.
Elles sont sept Amazones, sept lionnes, aériennes, sereines, joyeuses. Sept rebelles au sang royal qui affirment leur féminité dans un milieu à majorité masculine. Avec Ousmane Sy comme chorégraphe, vainqueur à répétition dans les plus grandes battles en danses urbaines, on pourrait s’attendre à ce que ce ballet à la consanguinité royalement féminine soit naturellement ancré dans le hip-hop. Mais Sy, qui a grandi a Antony et tomba dans le hip-hop par la télévision quand il avait cinq ans en suivant la fameuse émission H.I.P.H.O.P. de Sydney, ce Sy qui s’est illustré comme virtuose dans les battles et comme interprète central chez les Wanted Possee, crew chorégraphique de danse break reconnue à l’échelle mondiale, cet Ousmane-là trouve aujourd’hui sa vocation et une plateforme artistique dans la scène house, courant créé dans le milieu gay américain par ceux qui ne se reconnaissaient pas dans l’ambiance de plus en plus violente de la scène hip-hop de la Big Apple. Il faut aussi rappeler que dans sa générosité tranquille, Ousmane qui signa avec Queen Blood un manifeste féministe majeur, a été fauché par une crise cardiaque en décembre 2020, au beau milieu de sa carrière. A quarante ans, il faisait partie du collectif FAIR(E) qui dirige depuis 2019 le Centre Chorégraphique National de Rennes.
Queen Blood est née comme petite forme, primée en 2018 au concours Danse élargie au Théâtre de la Ville, puis passée à la vitesse supérieure d’un spectacle à la scénographie et aux éclairages soignés, fort d’une dramaturgie ciselée par les danses, les énergies et les musiques. Les interprètes sont toutes championnes de battles. Tout en misant sur la précision d’un corps collectif aux multiples unissons, le chorégraphe leur laisse aussi un maximum d’authenticité. Pas de danse break ici, pas de figures au sol, mais une aspiration à l’élévation dans la danse debout, en célébrant les styles les plus diverses, du krump au dancehall, en passant par le locking. Chacune des danseuses house a travaillé à partir de son histoire personnelle, pour nourrir ce melting-pot des styles où se dessine une danse afro house qui reflète aussi les racines d’Ousmane Sy, surnommé Babson depuis qu’il dansait avec les Wanted Possee. Queen Blood : Le titre fait référence aux liens qu’il entretenait avec l’Afrique, notamment par une recherche entre la danse house et l’héritage africain, cultivant une vision du clubbing qui dialogue avec le sabar sénégalais ou les danses des Dogon, sans oublier le hip-hop. Le sens de Queen Blood s’affirme aussi dans le fait que cette pièce fait suite à Fighting Spirit, où les danseuses incarnaient le mode de survie des filles dans les cités. Suite logique et plus sereine, Queen Blood est une pièce aussi combative que festive qui se lance dès l’entrée du public, quand la musique et la présence des danseuses font monter la température, transformant la salle en une house à la croisée des cultures.
Queen Blood, d’Ousmane Sy, Théâtre du Rond-Point, du 3 au 7 mai.