L’opéra de Lille, propose une nouvelle production, signée Laurent Pelly, de la géniale transposition lyrique du Songe d’une nuit d’été par le compositeur anglais. 

En 1960, Benjamin Britten est au sommet de son art. Il a livré coup sur coup trois ouvrages témoignant d’une rigueur, d’une puissance dramaturgique, d’un génie de l’orchestration et de la caractérisation vocale, exemplaires : Peter GrimesBilly Budd et The Turn of the Screw. Si sa musique est alors méprisée par une certaine doxa sérialiste, qui a heureusement cessé d’exercer sa funeste influence depuis, le public anglais a fait de Britten une idole, en dépit du fait qu’il est un militant pacifiste, et partage la vie du ténor Peter Pears, à la scène comme à la ville. Depuis 1948, ce couple qui défie les conventions, en toute décontraction, et leur ami librettiste Peter Crozier, organisent un festival à Aldeburgh, station balnéaire du Suffolk où réside le compositeur. Pour sa douzième édition, ils ont décidé d’offrir au public une adaptation lyrique de la pièce de Shakespeare préférée de Britten, Le Songe d’une nuit d’été. Un pari, car le compositeur n’a que sept mois pour réduire la pièce, avec le concours de Pears, et pour livrer sa partition. A en croire les biographes, la première fit une impression mitigée sur le public, autant dérouté par la restructuration de cette pièce mêlant les registres comique, tragique, réaliste et féérique, que par le fait que, pour la première fois, Britten n’abordait pas un sujet de société : pas de crime injuste, d’enfant ou de jeune homme brisé, de fantômes obsédants ou de confrontations fatales dans ce « Songe ». L’ouvrage finira pourtant par éclipser en popularité The Fairy Queen de Purcell, par faire la fortune de nombreux contre-ténors, d’Alfred Deller à James Bowman, et de metteurs en scène comme Jean-Pierre Ponnelle et Robert Carsen. Il y a une trentaine d’années, ce dernier livra une production qui enchanta le festival d’Aix-en-Provence. Reprise et éditée en DVD, elle fit office de mètre-étalon, au point que certains se demanderont ce que Laurent Pelly, commis à la création d’une nouvelle production pour l’Opéra de Lille, va bien pouvoir imaginer pour la faire oublier. Peut-être quelque chose de ressemblant à la production, encore plus géniale, signée David Pountney, vue en 2004 au Teatro Malibran de Venise ? Transposée dans « une école d’art dramatique de nuit », cette lecture soignée, offrait son comptant de délire, avec son Obéron ambigu en costume bleu nuit et cheveux brillantinés, et son Puck bondissant, tandis que la nature la plus fantasque envahissait le décor réaliste, exactement comme dans la Platée de Rameau mise en scène par Pelly, en 1999, à Garnier. En fosse, à Lille, Guillaume Tourniaire, chef lyrique ayant fait une partie de sa carrière à Genève, aura la tâche plus lourde, de faire oublier John Eliot Gardiner, de ciseler les couleurs originales et raffinées de Britten, et de galvaniser les chanteurs appointés pour être à la hauteur de cette célébration, en musique, de l’amour, de l’imagination et de la fantaisie.  

Le Songe d’une nuit d’été de Benjamin Britten. Du 6 au 22/5 à l’Opéra de Lille. www.opera-lille.fr