Le Festival d’Avignon 2022 promet les créations les plus diverses. Olivier Py, pour sa dernière année à la tête du festival, multiplie les paris audacieux.

C’est un festival d’Avignon riche de multiples univers que cet opus 2022. S’il fallait trouver un mot pour en définir la programmation, ce serait peut-être « éclectisme ». Aucune ligne claire, dogmatique, ne se dégage de la programmation. Le choix d’Olivier Py et de son équipe de choisir un thème on ne peut plus large, « il était une fois », nous invite ainsi à cheminer parmi ces dizaines de propositions, s’ouvrant chacune sur un univers fort émanant d’un artiste, chinois, africain, suédois…Car plus que jamais, Avignon donne à entendre les voix du monde.  Ainsi bien sûr, l’ouverture dans la Cour du Palais des Papes, confiée à Kirill Serebrennikov. Le metteur en scène russe, assigné à résidence par le gouvernement de Poutine, est un habitué du festival : sa création il y a trois ans, Outside, a marqué les esprits, par son jeu formel, et sa contemporanéité. N’étant jamais là où on l’attend, il adapte cette année une nouvelle méconnue de Tchekhov, Le Moine noir, promesse de drame noir dans la Cour. Et si, comme l’annonçait Olivier Py pendant la conférence de presse, le festival « s’ouvre sur un artiste russe et se ferme sur un groupe de rock ukrainien », évoquant les Dark Daughters, le choix de Serebrennikov est donc bien antérieur à la guerre ukrainienne. Autre metteur en scène qui entrera en résonance avec notre époque de manière frappante, Amir Reza Koohestani. L’Iranien choisit le roman d’Anna Seghers, Transit, pour se mettre en scène, retenu à l’aéroport de Munich par un problème administratif, s’interrogeant sur sa propre identité d’exilé, dans un monde parcouru d’apatrides.

Du grand récit à la fable

 Il était une fois nous murmure ce festival, qui nous promet de grands récits : ainsi La Tempesta d’Alessandro Serra, spectacle qui nous renverra aux origines et au sens profond du théâtre, grâce à la plus belle pièce de Shakespeare, mais aussi, en danse, Dada Masilo, la chorégraphe réunit danse tswanaise et héritage de Pina Bausch, pour nous mener au cœur de la question du mal. Et comment qualifier Le Nid de Cendres, fresque de Simon Delétang sur laquelle il travaille depuis dix ans, et dont on n’a pu voir les éclats sur les scènes françaises ces dernières années, sinon comme un retour de la légende sur scène ? Ainsi, raconte le jeune metteur en scène, il s’agit d’une épopée, à la fois dans l’imaginaire, et dans le réel. De même, le geste romanesque d’Olivier Py avant de partir, Ma jeunesse exaltée, nous mènera pendant dix heures sur les traces de multiples héros, figures contemporaines de l’Arlequin, clown mythologique s’il en est. Mais, et c’est la beauté de tout récit, le microcosme aura aussi à sa place ; nous attendons beaucoup de ce texte écrit par Pascal Quignard pour un spectacle de la musicienne Marie Vialle, Dans ce jardin qu’on aimait, consacré à un homme d’église qui fut le premier à recueillir le chant des oiseaux, et les bruits de son jardin, avant Olivier Messiaen. Et si l’on parle de musique, il faut évoquer Miet Warlop, reine de l’absurde, qui reprend le flambeau des Histoire(s) du Théâtre lancées par Milo Rau, pour mettre en scène la même chanson jouée plusieurs fois par un groupe de musiciens, tour à tour huée ou applaudie. La vie est une boucle infime. Parfois terrifiante, comme chez Bashar Murkus, dont l’univers promet beaucoup dans Milk : sur un sol noir, des mères pleurent leurs enfants disparus, de leurs yeux coule du lait. Et puis, dans ce registre de l’inquiétante étrangeté, Solitaire, dernière pièce de Lars Noren, mise en scène par Sofia Jupither, où le Suédois se montre presque beckettien. 

Impossible de parler de l’entièreté de ce programme, ni de promettre quel spectacle sera la révélation de juillet. Mais en un dernier mot, on peut sans doute parier que Le Septième jour de Meng Jinghui sera grandiose, et riche de cette folle ambition que le metteur en scène chinois devrait imposer au Cloître des Carmes. 

Du 7 au 26 juillet. www.festival-avignon.com