L’Opéra de Lyon offre de superbes créations d’opéra ce mois-ci, réunissant en un festival metteurs en scène et musiciens, et ayant pour thème « Secrets de famille ». 

 « Secrets de famille », à Lyon, promet d’entrer au cœur des grands récits lyriques. Ainsi, Rigoletto qui ouvre le festival, le vendredi. Opéra du secret s’il en est, et de l’amour d’un père pour sa fille. Si l’air de « la doña e mobile » par le duc de Mantoue, est rentré dans l’histoire, et pour le plus grand nombre, notamment grâce à Pavarotti, 

 Verdi signe là une de ses œuvres les plus déchirantes. Car le bouffon Rigoletto s’inscrit dans les personnages absolus de l’opéra de Bel Canto, dépassant celui qui l’a initié, L’Homme qui rit d’Hugo. Dans cette production dirigée par Daniele Rustioni, dont on espère la même flamboyance que pour Falstaff l’été dernierle jeune allemand Axel Ranish assurera la mise en scène. Ce qui sera son premier Verdi. Partagé entre le cinéma et la mise en scène lyrique, Ranish promet une approche où l’image tiendra un rôle important. On ne peut que se montrer curieux de ce que fera ce jeune cinéaste, révélé à l’Opéra de Münich dans des registres aussi différents que Boesmans ou Tchaïkovski, de l’ample et sombre Rigoletto.

Autre audace du festival de l’Opéra de Lyon, la création d’Irrelohe de Franz Schrecker. Poursuivant un travail essentiel de réhabilitation de compositeurs d’origine juive interdits par les Nazis, et subissant, après-guerre, un violent oubli, l’opéra de Lyon offre à Franz Schrecker sa juste place dans l’opéra du début du XXe siècle. S’inscrivant dans la droite ligne de Strauss, Schrecker fut l’un des plus brillants et audacieux compositeurs sous la République de Weimar. Le dossier de presse du festival cite ainsi l’autoportrait qu’il livrait  : « ma musique est pure et authentique, alambiquée, ruminée, affectée ( …), je suis le seul successeur de Wagner, un concurrent de Strauss et de Puccini, je flatte le public (…) et je suis une grandiose illustration du déclin de la civilisation ». 

L’esprit Schrecker s’incarnera dans le château d’Irrelohe, où une malédiction mène une famille à sa perte. L’orchestre et les chœurs de l’Opéra de Lyon seront dirigés par Bernard Kontarsky, chef allemand et grand connaisseur de la musique contemporaine. Et poursuivant cet intérêt pour la nouvelle génération de metteurs en scène, l’Opéra fait appel à David Bösch, qui a fait l’essentiel de sa carrière en Allemagne, et qui a reçu en 2017, le prix Montblanc du Festival de Salzbourg pour sa mise en scène de Beaucoup de bruit pour rien. 

Enfin, l’Opéra de Lyon nous mènera aussi dans le recueillement de Bach, avec Nuit funèbre, création qui avait marqué le festival d’Aix en Provence en 2017. La forme, très originale, est demeurée dans les esprits : Raphaël Pichon et Katie Mitchell y ont élaboré une dramaturgie pour cinq chanteurs et un orchestre, nous interrogeant sur la possibilité profane de la célébration du mort. Ici, le père disparu, les enfants, orphelins. Nous sommes dans un lieu hors du temps, et dans une théâtralité de la musique de Bach qui, à l’image de ses Passions, ne cesse de s’adresser à nous. 

Festival Secrets de famille, Opéra National de Lyon, du 18 mars au 7 avril.

Plus d’infos sur www.opera-lyon.com