Lorraine de Sagazan investit le TGP à Saint-Denis dont elle est artiste associée avec sa dernière création. Un Sacre qui invite à une réflexion sur le rapport à la mort dans notre société. 

Voix légèrement grave, cheveux blonds, Lorraine de Sagazan cultive une certaine différence, une humanité curieuse, une manière de faire du théâtre autrement, plus intuitive. Comédienne de formation, passée par une école de quartier, elle a depuis l’enfance cette envie chevillée au corps d’exprimer à travers l’art qu’il soit plastique ou scénique ses émotions. « J’ai grandi dans une toute petite ville, raconte-t-elle. Je m’ennuyais un peu. Je me suis rapidement rendue compte que l’imagination et les procédés créatifs allaient me sortir de certains moments un brin déprimants. »

Tout comme ses aînés, Julie Deliquet et Sylvain Creuzevault, Lorraine de Sagazan fait ses armes au Studio d’Asnières. Elle y rencontre ceux avec qui elle travaille toujours aujourd’hui. « Contrairement à une partie de mes camarades de promotion, je n’ai pas fait le conservatoire. Si au début, cela a été une frustration, je crois que finalement ce fut une bénédiction. J’ai pu m’affranchir plus facilement des dogmes. »Les premiers rôles s’enchaînent. La comédienne rêve déjà d’autre chose. « Je ne me retrouvais pas forcément dans ce métier, dans les nombreuses codifications et règles immuables qui régissent le théâtre, explique-t-elle. Très vite, j’ai eu envie de faire la mise en scène, d’essayer autre chose, de « casser » modestement ce carcan, afin d’inventer mes propres règles, d’être à l’écoute de mes émotions, d’aller de manière très empirique vers un art qui me semblait plus libre, plus vivant. » Pour se former, elle part, en Allemagne, travailler aux côtés de Thomas Ostermeier à la Schaubühne de Berlin. « Avec Pina Bausch ou Frank Castorf, notamment, j’ai découvert une autre approche de la scène, une liberté qui n’existait pas en France, une manière de s’affranchir d’une œuvre, d’un texte, de proposer aux spectateurs une expérience, plutôt qu’une énième adaptation fidèle à l’auteur. J’avais donc le désir de m’y frotter. »

 Considérant qu’une pièce de théâtre est une œuvre en devenir, Lorraine de Sagazan laisse l’intuition guider son regard, trouver le bon endroit, tordre un texte pour se rapprocher de l’auteur. « L’irrationnel est une forme de connaissance primordiale dans ma manière de décortiquer une œuvre, une thématique, un fait de société. Cela permet de sortir du purement intellectuel pour aller vers une dimension du savoir qui accompagne l’expérience, qui touche au ressenti de chacun ».Loin des sentiers battus, Lorraine de Sagazan explore de nouvelles voies où le fait de ne pas savoir est, a priori une force, une manière d’appréhender, de découvrir le monde et les textes autrement, de faire frictionner fiction et réalité. 

 Après avoir rencontré avec les autres membres de sa compagnie, le Platonov de Tchekhov, après La vie invisible, où avec son complice à l’écriture Guillaume Poix, la metteuse en scène suivait le fil de la mémoire fragmentée de non-voyants, elle questionne dans Un Sacre, la manière d’enterrer nos morts, de faire nos deuils dans une société qui va trop vite. Face à la pandémie qui a empêché les adieux, Lorraine de Sagazan invite délicatement à une réflexion profonde sur la manière de réparer les (sur)vivants.

Un sacre de Guillaume Poix, Mise en scène de Lorraine de Sagazan. Du 22 novembre au 4 décembre 2021 au TGP, Saint-Denis. 

Reprise de L’Absence de père de Lorraine de Sagazan d’après Platonov de Tchekhov du 12 au 17 novembre 2021au TGP, Saint-Denis.

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