A Marseille, les Rencontres à l’Echelle mettent le curseur sur Beyrouth, Tunis, Alger et Kinshasa. Une programmation danse-théâtre-performances, solidaire et combative. Du 9 au 28 novembre à la Friche Belle de Mai.

De toutes les villes de la rive nord méditerranéenne, Marseille est celle qui brasse le mélange de cultures et d’imaginaires le plus foisonnant. Pas de hasard donc si Julie Kretzschmar a créé dans la Cité phocéenne les Rencontres à l’Echelle, où elle « essaie de comprendre comment on peut travailler avec des contextes d’imaginaires et leur transposition à différentes échelles. » Ces contextes se trouvent en Europe du Sud, au Moyen Orient, en Afrique et ailleurs : « Les économies qui peuvent nous paraître très pauvres engagent simplement des ressources très différentes des nôtres. Il faut changer d’échelle et de perception, pour mieux comprendre ce qui se fabrique chez eux. » 

Plus précisément, la 16e édition des Rencontres à l’Echelle porte une attention particulière à la génération d’artistes libanais autour de la quarantaine, dont certains – comme Alexandre Paulikevitch, Ali Charour ou Chrystèle Khodr – continuent de vivre sur place au lieu de s’exiler, « ce qui ne relève pas de simples décisions personnelles mais est une question complexe, car collective », selon Kretzschmar. Paulikevitch, qui nous a déjà étonnés avec Tajwal, où il détourne les codes de la danse orientale, présente cette fois A’Alehom, un nouveau solo, né sous le signe de son histoire personnelle récente, de la perte de son père à son arrestation et détention par la police libanaise et bien sûr l’explosion au port de Beyrouth en 2020. C’est une pièce sur le retour à la vie, car vivre à Beyrouth nécessite plus que jamais une forte capacité de résilience. En témoigne aussi Augures de Chrystèle Khodr, où deux actrices reviennent sur leur parcours d’artistes, à partir des années 1980, dans une ville déchirée par la guerre civile, ayant vécu dix années de théâtre sous les bombes ! 

Pour Danya Hammoud, chorégraphe du sensible, c’est aussi la pandémie qui a fortement entravé la création de ce devait devenir sa nouvelle pièce, Sérénités, où elle entendait témoigner de son envie de vivre. La suite est connue : explosion et révolte à Beyrouth, covid-19 dans le monde. Sérénités était son titre témoigne, avec une finesse qui force l’admiration, d’une tentative de création, comme pour dire qu’après chaque revers on peut rebondir et persévérer en beauté. Seul Ali Chahrour travaille sans éléments autobiographiques apparents. Son trio The Love behind my eyesest le dernier volet d’une trilogie sur les mythes de l’amour et de la passion dans la tradition arabe – une investigation sur les tabous, doctrines religieuses et normes sociales qui y sont liées. 

Les autres métropoles très présentes sont les capitales de l’Algérie, de la Tunisie et da la RDC. De Kinshasa arrivent deux artistes prometteurs. D’une part, Yves Mwamba qui invite sur le plateau Rebecca Kabugho, activiste congolaise pour la démocratie, dans une scénographie signée Freddy Tsimba, plasticien dont on peut admirer une sculpture monumentale dans le grand escalier de Chaillot. D’autre part, Michael Disanka et Christiana Tabaro qui revisitent l’histoire du pays vécu par leur génération, à partir d’expériences personnelles. Mais qu’on se détrompe : « On nous a souvent renvoyé que nous présentions des spectacles où l’histoire personnelle croise la grande histoire. En vérité il s’agit surtout de projets politiques individuels, dans un contexte où on ne reconnaît que la communauté. »

Les Rencontres à l’Echelle. Du 9 au 28 novembre à la Friche Belle de Mai.

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