Restauré il y a deux ans en 4K, Out of the Blue de Dennis Hopper paraît pour la première fois en Blu-ray.

Cebe (une Linda Manz stupéfiante de bout en bout) est une adolescente qui aime le punk et répète à tout bout de champ que le disco pue. Elle ne jure que par Elvis, le premier des punks selon elle, Sid Vicious et Johnny Rotten. De sa démarche provocatrice, vêtue de jean bleu de pied en cap, elle déambule avec ses copines dans le bled où elle vit, attendant le retour de prison de son père. Elle communique avec des types sur une vieille radio dans le camion paternel, désormais condamné à l’arrêt. Sa mère (Sharon Farrell) travaille dans un restaurant toujours vide, auprès de Paul qui la soutient en échange de quelques faveurs. La sortie de prison de Don (Denis Hopper) est imminente. Lui qui a, sous l’emprise de l’alcool, foncé sur un bus de ramassage scolaire en panne au beau milieu de la route, Cebe à ses côtés. A l’origine, le film aurait dû s’appeler « Cebe » jusqu’à ce que Denis Hopper entende les notes de la chanson de Neil Young « My My Hey Hey ». Ces paroles poétiques « Out of the Blue/and into the black/You pay for this, but they give you that/And once you’re gone, you can’t come back/When you’re out of the blue and into the black. » se poursuivent par « The King is gone but he’s not forgotten/Is this the tale of Johnny Rotten ? » Une poésie qui lui donne le la et lui permet de réécrire ce scénario issu d’un sordide fait divers pour en faire un film brutal, sauvage, punk. Dans le sillage de Jean-Luc Godard — sa filiation revendiquée — il use de flash-backs qui s’inscrivent telle une saute sur la rétine du spectateur. Cinéaste, acteur, plasticien et figure de la contestation, Dennis Hopper a déjà signé avec Easy Rider (1969) un premier film devenu culte suivi par le dantesque The Last Movie (1971) qui met sa carrière provisoirement entre parenthèses. Il lui faut près de dix ans pour revenir à la mise en scène. Ainsi né Out of the Blue (1980). 

Jaune rouge bleu, les couleurs primaires dessinent une toile sur laquelle Dennis Hopper compose un rêve d’évasion. Un rêve en forme de fugue pour une adolescente prise au piège de la violence familiale. Drogue, alcool, inceste, la rébellion de Cebe prend sa source dans des images traumatiques que le montage heurté répète à l’envi. Le cinéaste fait bégayer l’accident, les caresses paternelles, les piqûres à l’héro de la mère. « Je hais les hommes » hurle-t-elle à son père et son ami venus lui rendre une visite particulièrement importune la nuit. La musique lui offre une échappatoire. Entourée de sa batterie, de sa guitare, de posters d’Elvis et des Kinks, elle crayonne à l’arrière de l’idyllique photographie du couple parental enlacé, son envers négatif — la tête du père transpercée d’une flèche assassine. Les plans de Hopper explosent de bleu, bleus de l’âme, blues d’un corps en lutte pour ne pas rendre les armes. Avec un camion jaune, des frusques indigo, du sang rouge qui s’étale sur des crânes puis des draps blancs, la peinture de l’Amérique marginale prend des teintes furieusement ardentes — abrasives, pourrait-on dire. Un chef-d’œuvre à l’éclat brut.

Out of the Blue de Dennis Hopper. DVD et Blu-ray (Potemkine)