Avec Les Éclairs, drame joyeux sur un livré signé Jean Echenoz, le compositeur Philippe Hersant renoue avec l’opéra. 

Il avait le don singulier d’apprivoiser les éclairs. Pourtant ce n’était ni un sorcier, ni un chaman, encore moins un charlatan, mais un scientifique génial. Sa découverte, entre autres, du courant alternatif aurait pu faire sa fortune, sauf que Gregor imaginant avoir toujours un coup d’avance grâce à son extraordinaire capacité inventive négligeait un peu trop les contingences du présent. Ce personnage, héros du roman, Des éclairs, de Jean Echenoz, a réellement existé. Son vrai nom est Nikola Tesla. Il est aujourd’hui la figure centrale de l’opéra de Philippe Hersant, Les Éclairs, dont Jean Echenoz a lui-même écrit le livret.

 « Gregor est un être extrêmement étrange, paradoxal, explique le compositeur. Même s’il s’agit d’une fiction, beaucoup de ses traits de caractère correspondent à son modèle, Nikola Tesla. Il est à la fois d’une extrême rigueur scientifique et, en même temps, superstitieux. C’est un dandy soucieux de son apparence vestimentaire et cependant inadapté à la vie sociale. Il a des côtés enfantins et en même temps c’est un vieux sage. Un peu fou aussi sans doute car il prétend avoir été en communication avec des extra-terrestres. Il y a même eu des sectes qui l’adoraient comme un gourou… Bref, il est difficile à cerner, ce qui me plaît beaucoup. » 

Philippe Hersant n’en est pas à sa première expérience avec des héros bizarres. Dans l’opéra, Le Château des Carpates, d’après Jules Verne, il mettait déjà en musique les tribulations d’un savant fantasque. De même Le Moine noir, opéra inspiré de la nouvelle de Tchekhov, raconte les errements d’un philosophe tourmenté par la folie. À la différence de ces deux œuvres dont il a lui-même signé le livret, le fait de travailler directement avec un auteur était nouveau. « Quand Olivier Mantei, directeur de l’Opéra Comique, m’a parlé de ce projet, le livret était déjà écrit. Ayant lu le roman où Gregor est un personnage assez antipathique, ce qui m’a frappé tout de suite dans la version pour la scène, c’est que Jean Echenoz en fait quelqu’un de bien plus aimable. Il m’a expliqué que dans la mesure où il parle et il chante, cela le rend forcément plus humain et plus attachant. » 

Les pigeons

À quoi s’ajoute le fait que dans la version pour l’opéra, Echenoz a introduit des personnages féminins, absents ou très périphériques dans le roman où, dans le domaine amoureux, Gregor en pince surtout pour… les pigeons. Curieusement, tandis qu’il composait pendant le confinement, Philippe Hersant a beaucoup photographié les pigeons qu’il apercevait de la fenêtre de son appartement montmartrois. Pigeons dans lesquels il voyait se dessiner progressivement les personnages du drame. « C’est amusant parce que ça m’a énormément aidé d’observer ces oiseaux en ombres chinoises sur les toits comme les héros d’une pièce de théâtre. De fait les deux activités, composer et prendre des photos se sont rejointes. » 

Vitesse de l’éclair

En écho à l’obsession maladive de Gregor pour les multiples du chiffre trois, l’œuvre est fondée sur une série de douze tons, ce qui n’empêche pas qu’il s’agisse d’une musique vraiment tonale, souligne Philippe Hersant. Électricité oblige, lui qui préfère le son acoustique a introduit pour la première fois dans une ses compositions un synthétiseur. « C’était indispensable notamment pour rendre l’atmosphère du New York de ces années-là. Une ville trépidante, en plein essor. J’ai écouté beaucoup de comédies musicales pour me mettre dans l’ambiance. Et aussi Doctor Atomic de John Adams ou L’Affaire Makropoulos de Janácek ; pas pour m’en inspirer mais, dans le cas de ce dernier, pour sa maîtrise des dialogues. Il y a beaucoup de dialogues dans Les Éclairs. De même que les scènes et les lieux changent très rapidement. C’est quelque chose qu’il faut prendre en compte dans l’écriture. Tout va très vite. Il y a des fondus enchaînés comme au cinéma. Tout va en quelque sorte à la vitesse de l’éclair. »

Les Éclairs, drame joyeux en quatre actes, livret de Jean Echenoz, musique de Philippe Hersant, à l’Opéra Comique, du 2 au 8 novembre 

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