Un Nicolas Cage étonnant de sobriété dans un revenge-movie qui renoue avec le plus audacieux et expérimental du grand cinéma américain indépendant. En salles mercredi 27 octobre.
Un film où Nicolas Cage, en ermite taciturne et revenu de tout, se voit dérober son précieux cochon truffier avant de partir à la poursuite de ses ravisseurs, annonçait un programme aisé à anticiper : celui d’un sous-John Wick, où le vernis de placidité du héros craque sous la pression de ses instincts vengeurs, au fil d’un périple sanglant révélant au passage sa véritable identité. Mais pour son premier long-métrage, Michael Sarnoski a choisi de pratiquer l’art habile du contrepied. Au lieu de plonger dans la logique du carnage, le film s’enfonce dans la mélancolie et se refuse à toute forme d’éclats. Le sadisme attendu y est ainsi remplacé par un masochisme d’autant plus surprenant qu’il surgit comme un exutoire face à une pression professionnelle. Si le sang coule, c’est par une archaïque saignée médicale plutôt qu’une gratuite giclée d’hémoglobine. La langueur existentielle du personnage donne le la à sa mise en scène, toute de lents et caressants mouvements d’appareils qui relient dans une même douceur automnale les sous-bois où il a trouvé refuge et l’urbanité vers laquelle il revient à contre-cœur, loin des teintes métalliques et des ambiances nocturnes qui caractérisent le cinéma d’action contemporain… Face à ces images sans chair, Pigrevendique haut et fort son caractère organique ; plus qu’un film d’auteur ou une résurgence du cinéma indépendant américain, concepts exsangues, c’est d’abord un film bio et fier de l’être.
Sarnoski prend toutefois un risque dans l’opération : celui de substituer un genre à un autre, et avec lui les clichés qui l’accompagnent. Pig se rabat ainsi du scénario de vengeance vers le film de cuisine, genre à part entière depuis que des stars s’en sont servies de véhicules pour satisfaire la frange grisonnante de leur public — Meryl Streep en a même commis deux. Si l’idée ne manque pas de panache, elle interroge sur deux points : sa sincérité et le discours qui l’accompagne, où l’hédonisme tutoie le développement personnel et la quête de soi le retour à la terre. À moins que le cinéaste n’ait juste retenu la leçon de Coppola : toujours mettre une recette dans un film pour que le spectateur, s’il ne l’a pas aimé, y ait au moins appris quelque chose — généreux, lui nous en offre trois.
Mais le plus beau de ses contrepieds, c’est celui que Sarnoski prend avec Nicolas Cage. Refusant à l’acteur son traditionnel et si polarisant expressionnisme de jeu, il le contraint à la sobriété et à l’impassibilité, le traitant comme une toile sur laquelle il déposerait diverses matières : de la terre, des poils, du sang séché… Regarder Cage dans Pig, c’est comme contempler un work in progress, de l’esquisse au tableau fini, plus sale et plus hirsute que son ébauche, mais surtout plus vrai. En le privant de ses excès, Sarnoski pousse ainsi l’acteur, le temps d’une poignée de monologues, à révéler une intériorité qu’on ne lui connaissait plus. Il va sans dire qu’il est, dans ces moments-là, bouleversant.
Pig, Michael Sarnoski. Metropolitan Film Export. Sortie, le 27 octobre
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