Atarrabi et Mikelats, le nouveau film d’Eugène Green, accomplit un petit miracle cinématographique en donnant vie, par le corps et la parole, aux mythes du Pays basque. Avant-première du film au Mk2 Beaubourg mardi 31 août en présence du réalisateur, en salles mercredi 1er septembre.

Faire entendre la langue basque sur grand écran, c’est un projet en soi…

Mon unique documentaire, Faire la parole, traitait déjà de cette question, qui me tient à cœur. J’aime les langues, parce que chaque langue propose une vision différente du monde. Je ne parle pas le basque, mais je l’ai étudié. Sa conception du monde, qui traverse la langue, est différente de la nôtre. Chaque langue est ainsi, même le néerlandais, que les gens n’aiment pas beaucoup. Quand une langue meurt, une partie de l’humanité meurt avec elle. La langue basque a d’ailleurs failli disparaître, puis a connu une renaissance dans les années soixante.

Pour retranscrire cette vision du monde, avez-vous construit différemment votre mise en scène ? Ou dirigé autrement vos acteurs, qui sont pour certains des amateurs ?

Nous avons décidé de tourner Atarrabi et Mikelats en euskara batua, la forme standard du basque, utilisée par les écrivains. Comme je ne parle pas basque, je me suis appuyé sur une assistante, qui surveillait la diction des acteurs. Mais comme elle connaissait ma manière de diriger les acteurs, elle repérait les intonations psychologiques venant de la télévision ou du mauvais cinéma. Je travaillais donc avec une certaine distance. En dehors de cet aspect, mon travail restait le même. Quand je filme, j’aborde l’humanité dans sa globalité, dans son universalité, y compris l’humanité basque. J’ai néanmoins tourné plus de plans larges, pour filmer la nature, tellement importante pour les basques et pour cette histoire.

Le début du film ressemble à une promesse : on débarque des autoroutes du réel pour se perdre dans le paysage fantastique basque.

Plutôt que du réel, on vient du contemporain. Tout est réel dans Atarrabi et Mikelats. Je voulais qu’on comprenne que cette histoire n’est pas déconnectée de notre monde, que bien au contraire elle parle de notre monde. On peut donc dire que c’est intemporel, car cela mélange des réalités très différentes. Ce début situe l’action dans le monde actuel. Le diable est d’ailleurs très à la mode, à la pointe de la technologie et de la branchitude ! Certains critiques me l’ont reproché. 

L’humour est une dimension rarement associée à votre travail. Il est pourtant bien présent dans ce film comme dans votre cinématographie.

Cela me surprend aussi, l’humour vient naturellement. Quand j’ai présenté mon premier film, Toutes les nuits, des spectateurs sont venus me demander : « Est-ce qu’on a le droit de rire ? ». Oui, vous avez le droit de rire ! Le rire est naturel. Les spectateurs français respectent scrupuleusement les bienséances et la pureté des genres, qu’on ne doit pas mélanger. Les comédies actuelles sont donc dirigistes et lourdes, pour rassurer le spectateur. Les films de Rohmer sont très graves, mais le rire y a sa place. C’est pareil chez Ozu. C’est une façon d’alléger le récit, de ne pas enfoncer le clou, de garder un certain équilibre.

Atarrabi et Mikelats de Eugène Green, avec Saia Hiriart, Lukas Hiriart, Ainara Leemans, UFO Distribution, sortie le 1 septembre. 

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